Le négociant bordelais Vincent Lataste a été condamné pour « tromperie, tentative de tromperie sur les qualités substantielles des vins, utilisation frauduleuse et tentative d’utilisation frauduleuse d’AOP », une première.
Le négociant en vin bordelais, Vincent Lataste, a été condamné à 1 an de prison ferme et 30 000 euros d’amende, dont 20 000 euros avec sursis, alors que sa société, Awesome, devra acquitter une amende de 100 000 euros, dont 50 000 euros avec sursis. Une condamnation « awsome » en somme. Le jugement prononcé par la cour d’appel de Bordeaux est inédit dans le milieu viticole bordelais.
À l’issue du jugement, l’avocat de M. Lataste, Me Jean Gonthier, a formé un pourvoi en cassation, expliquant que son client et son entreprise « contestent d’une part la légalité de l’enquête menée par l’administration, qui a méconnu les droits de la défense, d’autre part la constitution même des infractions poursuivies, tant dans leur matérialité que leur intentionnalité ». Il ajoute qu’ils « ont le ferme espoir que la Cour de cassation exercera sa censure et leur permettra d’être rejugés. En l’état, ils continuent de bénéficier de la présomption d’innocence ».
Un négociant déjà connu
Dans le cadre d’un contrôle de routine, l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) a analysé des lots de vins commercialisés par l’entreprise Sequoia (ancien nom de l’entreprise Awsome) en 2015. « Un contrôle classique, dans le cadre du respect du cahier des charges relatives aux appellations des plans de contrôle, lors duquel nous effectuons des vérifications analytiques et organalytiques des vins », précise Laurent Fidèle, délégué territorial de l’INAO pour le Sud-Ouest.
Lors de ce contrôle, l’analyse met en lumière une forte teneur du vin en dioxyde de soufre (SO²), un additif chimique qui permet de contrôler la fermentation et de stabiliser le vin au moment de la mise en bouteille. Plus de 90 microgrammes par litre de SO² en trop, alors que le seuil limite autorisé est de 150 milligrammes par litre pour les vins rouges secs. Cela rend le produit non loyal à l’AOP et marchand, les lots étaient destinés à l’export, principalement vers la Chine. Alors que l’anomalie est repérée, l’INAO informe la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui diligente une enquête. Vincent Lataste était déjà connu des services, en 2016, il avait été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour complicité dans l’affaire des « vins de lune ». François-Marie Marret, producteur girondin, avait mélangé du vin acheté illégalement, car destiné à la distillerie, à ses propres vins d’appellations saint-émilion, pomerol et listrac-médoc. Pour cette affaire, M. Lataste avait reconnu les faits, mais dans la nouvelle affaire « il en va tout autrement : il conteste formellement avoir commis les infractions qui lui sont imputées » explique Me Gonthier.
Une première
À l’issue de l’enquête de la répression des fraudes, menée de 2015 à 2017, les enquêteurs ont mis au jour diverses anomalies supplémentaires : mélange de plusieurs vins, ajout d’eau dans certaines bouteilles ou encore la vente sous de faux millésimes. En tout, les diverses fraudes touchent 122 788 bouteilles pour une valeur de 196 120 euros. Rémy Slove, directeur de cabinet adjoint à la DGCCRF, explique que « c’est la première fois que l’on a une peine de prison aussi sévère dans le secteur viticole. L’exemplarité des sanctions qui ont été décidées par le tribunal montre bien que c’était une affaire d’ampleur ».
Lloyd Lefebvre
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.