Pourquoi le pronom « iel » fait polémique ?

Depuis la fin octobre, le pronom iel, pour désigner les personnes qui ne souhaitent pas s’identifier par un genre particulier, a été intégré dans le dictionnaire numérique du Petit Robert. Né sur les réseaux sociaux, ce nouveau terme crée la polémique. Décryptage.

Il existe le pronom “elle”, il existe le pronom “il”, mais connaissez-vous le pronom “iel”? Si cela ne vous dit rien, pas de panique, ce pronom a fait son entrée au mois d’octobre dans la version en ligne du célèbre dictionnaire Le Petit Robert. 

Mais quelle est sa définition ? Iel désigne un pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour désigner une personne quel que soit son genre.

« Enfin une reconnaissance »

Mathoux se définit comme non-binaire. Depuis plusieurs années, difficile pour lui d’entrer dans une case. « La société ne définit que de genres : la femme et l’homme. Le reste n’existe pas, ou est une anomalie. ».

Pour l’étudiant en art, cette entrée du pronom dans le dictionnaire est un grand pas dans la reconnaissance et l’acceptation de son genre. « Ça permet à tout le monde de se sentir un peu plus représenté pour avoir une bonne appellation. Iel est une bonne contraction entre le “il” et le “elle” ».

Chaque mois, les lexicographes du dictionnaire veillent et scrutent les nouveaux mots. Parmi ces derniers figurent « passe sanitaire« , « antivax » mais aussi le fameux « iel« .

“Les lexicographes ont considéré que leur site est un service public, gratuit, accessible à tous et qu’il est important de répondre à ces requêtes et donc de définir « iel ».  Il y a, par conséquent, une volonté de remplir la mission proposée par un dictionnaire en ligne accessible à tous et d’informer les autres d’un usage, certes minoritaire, mais néanmoins existant.”

Selon Julie Neveux, avec les nouveaux modes de communication et la révolution numérique, il y a un bouleversement, non seulement dans la façon dont une expression va se répandre au sein des différents locuteurs d’une langue ; mais également, par rapport à la visibilité de cette expression pour tout le monde. Les réseaux sociaux sont le lieu où le pronom « iel » est le plus utilisé.

Une décision qui fait grand bruit chez les politiques

Trois lettres ont suffi pour alimenter les débats chez les politiques. Après l’annonce du Petit Robert, certains membres de la classe politique en majorité ont élevé la voix pour protester contre cette décision. François Jolivet, député LREM, est l’un des premiers à s’y être opposé fermement dans les médias et sur Twitter : “Le Petit Robert, dictionnaire que l’on pensait être une référence, vient d’intégrer sur son site les mots “iel, ielle, iels, ielles”. Ses auteurs sont donc les militants d’une cause qui n’a rien de Français : le #wokisme.”, a-t-il écrit.

La woke culture ou le wokisme, une autre expression qui fait l’actualité, traduit littéralement par “être éveillé” en anglais, désigne aujourd’hui la lutte contre tout type de discrimination et même le combat pour l’environnement. Ce mot est depuis peu constamment utilisé pour décrédibiliser un militantisme jugé moralisateur.

Le débat autour du pronom “iel” n’est pas sans rappeler celui de l’écriture inclusive, notion que Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation, a en horreur : “L’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française. Alors même que nos élèves sont justement en train de consolider leurs savoirs fondamentaux, ils ne sauraient avoir cela pour référence”, a-t-il indiqué sur Twitter en soutien au député.

Pour plus d’inclusion et de reconnaissance

Ce pronom, vu comme une menace par de nombreuses personnes, n’est pourtant juste qu’un moyen d’inclure des individus qui ne se sentent pas intégrés et pris en compte. Même s’il n’est pas inscrit noir sur blanc dans le dictionnaire, le fait est qu’il sera utilisé par personnes de la communauté LGBTQ+ et des jeunes qui l’ont démocratisé sur les réseaux sociaux. “Le principe de la langue est qu’elle vit à travers les gens qui la parlent et la lisent. Qu’on veuille ou non que ce soit écrit, ce sera dit de toute façon donc autant l’accepter”, partage Nicolas, libraire chez le Bateau Livre.

Le débat sur les mots est sans fin. Si certains sont entrés et sont couramment utilisés, d’autres continuent de faire jazzer. Le terme féminicide par exemple : il figure dans Le Petit Robert avec cette définition : « Le meurtre d’une femme, d’une fille en raison de son sexe ». Il est aussi défini par l’Organisation mondiale de la santé qui le caractérise comme « l’homicide volontaire d’une femme ».

Un autre mot existe pour qualifier le meurtre d’une femme par son époux ou compagnon : l’uxoricide. Peu connu, il est défendu par certains spécialistes, qui l’estiment plus précis que féminicide. L’uxoricide, du latin « uxor » (« épouse ») et « cide » (« tuer, frapper »), désigne uniquement l’homicide d’une femme par son époux ou compagnon. Bref, les mots évoluent, et la société aussi.

Margaux Chauvineau et Claire Boubert