Cinéma : « Les choses humaines », adaptation d’un roman dans l’air du temps

L’adaptation du roman de Karine Tuil, « les choses humaines » sort en salle ce mercredi 1er décembre. Dans son roman, l’autrice se penche sur les questions qui animent l’actualité depuis de nombreux mois : le consentement, le viol, les rapports de dominations hommes/femmes.

« Les choses humaines » sort au cinéma ce mercredi 1er décembre. Une adaptation réalisée en famille par Yvan Attal accompagnée de Charlotte Gainsbourg et de leur fils Ben Attal dans le rôle principal. Que raconte le roman de Karine Tuil et pourquoi a-t-il connu un tel succès ?

Au commencement, une famille en apparence parfaite, Claire et Jean Farel. Lui est un célèbre journaliste politique, elle est une littéraire connue pour ses engagements féministes. Tous deux ont un fils Alexandre, étudiant dans une prestigieuse université Américaine. Derrière cette façade idyllique, un équilibre fragile. Claire entretient une relation passionnelle avec Adam Wizman, professeur de français dans une école juive. Jean quant à lui, nourri une obsession pour son image avec la peur omniprésente d’être mis au rencard à cause de son âge.  Au festival des apparences et faux-semblants, cet équilibre fragile va rapidement vaciller suite à une accusation de viol.

Récompensé de l’Interallié et du Prix Goncourt des Lycéens en 2019, l’ouvrage nous plonge dans l’engrenage d’un bonheur virtuel. Aux côtés de personnages très incarnés et minutieusement décrits par l’écrivaine, on plonge dans la société d’aujourd’hui mue par ses injonctions à la réussite, la nécessité viscérale du « bien paraître » qui vont être rapidement mis à mal.

 Il sortit de sa poche un pilulier, l’ouvrit et prit un anxiolytique qu’il fit fondre sous sa langue. En quelques minutes, l’angoisse se dissipa : désormais, le bonheur ne s’obtenait plus que sur ordonnance ».

Avec son roman les Choses humaines, Karine Tuil a remporté en 2019 le Prix Goncourt des lycéens et l’Interallié.

Elle dépeint la lutte pour le pouvoir face à la seule chose qui semble échapper à tout contrôle : la passion amoureuse. Un point de bascule pour les personnages pour lesquels on finit (ou non) par développer une certaine empathie. On découvre intimement, l’histoire de chacun avec ses failles, ses contradictions permettant ainsi à l’auteur d’accomplir avec brio son objectif : faire état des faiblesses de l’homme dans notre société.

Puis, on pénètre dans l’impitoyable machine judiciaire. Cette citation résume l’engagement de l’auteur qui dénonce les failles du système judiciaire dans le traitement des affaires de viol.

 « D’abord, nommer les faits . Dès qu’il y a pénétration, il y a viol. Après bien sûr, il y a une échelle des peines : un doigt, c’est trois ans ; une pénétration sexuelle, six, ça peut aller jusqu’à quinze, mais c’est rare. Si le suspect n’a pas d’antécédents judiciaires, des garanties morales, s’il a un bon niveau social et joue profil bas, ça peut descendre à deux, avec sursis.

S’il est noir, maghrébin, étranger, sans papier, il prend plus. Puis vient la question du consentement. Faut placer le curseur. Ça devient rapidement social, un viol.

Je vous choque ? Moi je le dis toujours à mes clientes : la partie adverse va traquer chaque détail de votre vie. Vous avez bu ? Vous avez dîné, dansé avec votre agresseur ? Vous l’avez rencontré sur Internet ?

Ils finiront par conclure : elle l’a bien cherché. Maitre X, avocat ».

Largement inspiré d’une affaire de viol sur le campus de Stanford, Karine Tuil commence à écrire en 2016, bien avant la vague #Metoo. Elle se sert de son expérience de juriste pour immerger le lecteur dans l’atmosphère d’un procès aux Assises. Un tribunal publique mais également médiatique qui déshabille les personnages tour à tour et qui emporte brillamment le lecteur. L’originalité du parti pris de l’auteur? Se placer du point de vue de l’agresseur et de sa famille. Alors qu’on pourrait conclure avant même d’avoir lu à un dénouement autour d’un jugement manichéen, le livre surprend, dérange. Le lecteur est poussé dans ses retranchements et se retrouve lui aussi mis face à ces propres incertitudes. Quitte à parfois se surprendre à prendre le parti du bourreau.

Cécilia Leriche