Noël en 1914 : quand les soldats s’échangeaient des cadeaux à la place de munitions

Charles Dickens l’a bien montré dans son ouvrage Un chant de Noël (1843) en mettant en avant une personne âgée avare, qui a été transformée par l’esprit de Noël. Il s’agit du moment de l’année où l’on oublie toutes les différences. Qu’elles soient sociales, générationnelles, toutes sont gommées au profit de la charité ainsi que l’union. Le Noël de l’année 1914 en est le parfait exemple. Des camps ennemis, luttant pour la gloire de leurs patries engagées dans le plus grand conflit mondial, ont décidé de mettre une trêve en place afin de célébrer Noël ensemble en laissant les armes derrières eux.

Les similitudes qui ont poussé les deux camps à se tendre la main 

Cette trêve de Noël s’explique par une multitude de facteurs qui relèvent de la croyance ou encore de la psychologie cognitive. La croyance commune entre les allemands et les britanniques s’inscrit dans la religion. En effet, les deux pays étaient majoritairement chrétiens.  Ce fait explique alors l’importance du jour de Noël dans leurs cultures, car il symbolise l’arrivée du messie sur terre. Pour ce qui est des similitudes dans le registre de la psychologie, elles se traduisent par une seule idée : la compréhension de l’autre. Les deux camps, depuis des mois, étaient prisonniers des tranchées. Lieux où régnaient la souffrance, la peur ainsi que des conditions de vie et d’hygiène plus que désastreuses. A la veille de Noël, les deux camps prirent conscience d’une chose : si eux-mêmes étaient dans une situation quasiment insalubre, alors ceux qui occupaient les tranchées d’en face l’étaient forcément aussi. Cette compréhension de l’autre ainsi que la croyance en une religion commune poussa alors les deux camps à se tendre la main, histoire de rendre la vie moins triste et effrayante qu’elle ne l’était déjà.

Un soldat allemand qui offre une cigarette à un soldat britannique ( source : Historiques Photos )

Le déroulement de ce Noël historique

Au matin de Noël, le silence régnait. La seule fumée qui était présente sur le champ de bataille n’était pas celle issue des fusils, délaissés depuis plusieurs heures. Elle était due au brouillard et au froid qui caractérisaient la matinée. Le silence fût brisé par la manifestation d’un allemand, qui décida de sortir de la tranchée. S’en suivit alors l’étonnement des troupes britanniques, qui pensaient naturellement à un piège de la part de l’ennemi. Mais un « tommy », un soldat de l’armée britannique, prit son courage à deux mains et quitta sa tranchée ainsi que ses camarades. Les deux soldats se retrouvèrent sur le No man’s land, n’échangèrent aucune parole mais échangèrent cependant une franche poignée de mains. Les soldats des tranchées opposées suivirent le mouvement, provoquant alors un grand rassemblement au sein du no man’s land. Après avoir partagé quelques paroles, des sapins sont alors apportés au sein du no man’s land, ornés de bougies flamboyantes. Par la suite, les soldats se sont offerts des cadeaux entre eux. Il ne s’agissait pas des cadeaux que l’on aurait l’habitude de déposer au pied de notre sapin mais néanmoins, ces cadeaux qui se définissaient par du tabac, du whisky ou encore du chocolat représentaient beaucoup pour les soldats. A ces échanges se manifestèrent des chants de Noël. Le hasard a fait que, britanniques et allemands, ont chanté le même chant de Noël dans leur langue respective. Les britanniques ont entonné « O come All Ye Faithful », suivis par les allemands avec « Adeste Fideles ». Dans une de ses lettres, Graham Williams alors soldat de la London Rifle Brigade, explique l’émoi qu’il a ressenti lorsque ses camarades et les allemands ont chanté à l’unisson. Pour lui, les camps ainsi que les nationalités semblaient avoir disparu. Il n’y avait plus que l’union qui prônait au sein du no man’s land.

Une du journal The Daily Mirror montrant les soldats britanniques aux cotés des soldats allemands, 5 janvier 1915

Un match de foot entre soldats. Mythe ou réalité ?

Ce Noël particulier ne se caractérise pas uniquement par l’échange de cadeaux entre des soldats ennemis, ou encore par les chants de Noël qui résonnaient au sein d’une campagne dévastée. Il se caractérise également par un match de foot entre les allemands et les anglais. Beaucoup d’historiens contestent cet évènement. Pour eux, il s’agit d’un moment qui n’a jamais eu lieu et qui a été narré pour rendre encore plus beau le Noël de 1914. Pourtant, de nombreux écrits attestent de l’existence de ce match de football. Un rapport allemand explique avec minutie le déroulement du match. Il rapporte que les buts étaient délimités avec les képis des gradés et que le terrain était gelé à cause du froid. Pour ce qui est du score, le rapport accorde la victoire aux allemands, qui se seraient imposés sur le score de trois buts à deux face aux tommies. Un score que le journal britannique The Times a mentionné dans son édition du 1er janvier 1915 par le biais d’une lettre d’un docteur de la London Riffle Brigade.

L’UEFA a par ailleurs érigé un monument au sein de la commune de Ploegsteert (Comines-Warneton) en 2011. Ce dernier représente une petite colonne, avec un ballon de football situé sur le sommet. Un joli clin d’œil à cet évènement non anodin qui représente toute la magie ainsi que la fraternité que ce Noël de 1914 a pu proposer.

L’inauguration du monument de l’UEFA à Ploegsteert (Source : La Voix Du Nord)

Pour comprendre plus en détails le déroulement du match de Noël opposant les allemands aux britanniques, il est possible de lire The Christmas Match (2014), un livre enquête écrit par le journaliste suédois Pehr Thermaenius.

Pour ce qui est de la compréhension du déroulement de la trêve au cours du Noël 1914, le livre Frères de Tranchées (2005) écrit par Marc Ferro reste la référence.

Enfin et pour les cinéphiles, le moment est de (re)voir le film Joyeux Noël, sorti en 2005. Avec pour acteurs Dany Boon ou encore Guillaume Canet, ce film permet au spectateur de prendre place au sein des tranchées françaises pour mieux comprendre les relations établies entre les français et les allemands au cours de ce fameux Noël de 1914.

Bande annonce de Joyeux Noël, 2005

Le Noël de 1914 reste un événement emblématique du XX ème siècle. Car il a su montrer que même au cours de l’un des conflits les plus meurtriers jamais connu dans l’Histoire, la notion d’humanité était encore présente.

Romain LESOURD