Avec Desmond Tutu, l’Afrique du sud perd un « patriote sans égal »

« Les gens sont merveilleux. C’est vrai, les gens sont réellement merveilleux ».  Voila la vision qu’avait Desmond Tutu de son entourage. L’ancien archevêque anglican sud-africain s’est éteint le 26 décembre a annoncé le président sud-africain actuel, Cyril Ramaphosa. Desmond Tutu était un homme qui a énormément contribué pour le bien de son pays, qui a lutté contre l’apartheid et pour la reconnaissance des droits de l’homme au sein de son pays. Toutes ces bonnes actions lui ont valu l’attribution du prix Nobel de la paix en 1984. Retour sur un homme qui vient de disparaitre, mais qui restera à jamais dans les mémoires.

Né le 7 octobre 1931 à Klerksdorp (nord-ouest de l’Afrique du Sud), Desmond Tutu a pour vocation de devenir médecin. Mais finalement, il se réoriente vers le domaine de l’instruction en devenant professeur des écoles. Quelques années après, il abandonne son poste pour se concentrer sur la théologie. Obtenant sa maitrise de théologie en Angleterre, il retourne en Afrique du Sud pour enseigner ce qu’il a appris. Mais les évènements vont le pousser à prendre part à un tout autre devoir, celui d’apaiser les tensions et les discriminations qui occupent son pays depuis trop longtemps.

La culture de la paix comme arme contre les persécutions blanches

L’Afrique du Sud depuis 1948 est sous une politique qui a pour nom l’Apartheid. Se présentant comme une volonté de mise à l’écart, de séparation et se basant sur des critères raciaux et ethniques, l’Apartheid marque la ségrégation raciale mise en place par la minorité blanche présente en Afrique du Sud. Desmond Tutu entre dans la lutte après l’assassinat de la figure militante Steve Biko, en 1977. Si l’apartheid se caractérise par des discriminations de la part de la minorité blanche à l’encontre des noirs, il pousse également ces derniers à cultiver un sentiment de vengeance aigüe envers leurs bourreaux. Mais Desmond Tutu ne rentre pas dans les rangs, il refuse d’apporter sa contribution à cette volonté de vengeance qui ne cessait de grandir. Intégrant le mouvement Black Theology et participant aux réunions du Black consciousness movement, Desmond Tutu décide de se battre en invoquant et propageant des sermons de non-violence, ainsi que des prédications portant sur la paix. Toutes ces actions mises en place par Tutu poussent alors la majorité des réprimés à manifester de façon pacifique, lui octroyant alors le prix Nobel de la paix, le 16 octobre 1984.

Desmond Tutu recevant le prix Nobel de la paix ( source : La Croix )

Le bras droit de Nelson Mandela

Acteur majeur de la fin de l’Apartheid, qui s’est achevé le 11 février 1990, Desmond Tutu a également été une aide précieuse pour le premier président noir de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela. Ce dernier enfermé pendant vingt-sept ans, va se concentrer sur l’Apartheid dès sa sortie de prison. Il va essayer de comprendre les conséquences que cette politique a engendrée, comme par exemple la violation des droits de l’homme. Et pour occuper la tête de la commission Vérité et réconciliation, mise en place en 1995, il décide de choisir Desmond Tutu. Ce dernier fait alors un travail colossal pour entendre l’intégralité des victimes, estimée à plus de 30 000. Mais toujours inspiré de sa notion de pardon absolu, il décide de ne pas poursuivre les auteurs des violations des droits de l’homme et décide même de les amnistier. Le 29 octobre 1998, il remet à Nelson Mandela cinq rapports de la commission Vérité et réconciliation à Pretoria, qui révèlent les différentes persécutions qu’a subies la communauté noire au cours de l’Apartheid.

Nelson Mandela qui reçoit les cinq rapports de la commission Vérité et réconciliation par Desmond Tutu ( source : Le Monde / Walter Dhladhla , AFP )

Un combattant à l’échelle internationale  

Desmond Tutu n’a pas uniquement œuvré pour le bien de l’Afrique du Sud ou encore pour celui de la communauté noire. Il s’est également concentré sur d’autres causes. En 2007, il devient le président du conseil des Global Enders, un conseil qui a pour but de résoudre les problèmes les plus importants à l’échelle planétaire, peu importe le domaine dans lequel ils s’ancrent. Beaucoup de personnalités intégreront ce conseil, comme le 39ème président des Etats Unis Jimmy Carter, ou encore Muhammad Yunus, connu sous le nom de « Banquier des pauvres ».  

Au cours des années 2010, Desmond Tutu a exprimé son indignation contre l’homophobie. « Je ne pourrai jamais vénérer un dieu homophobe, je préfère autant aller en enfer que dans un paradis homophobe. » avait-il déclaré en juillet 2013, des propos repris par The Independant. Il a également publié un article dans The Guardian en avril 2014, dans lequel il explique que pour sauver le climat, il fallait boycotter les compagnies d’énergies fossiles. Un homme engagé sur tous les fronts.

Desmond Tutu et le dalaï-lama ( source : Ashwini Bhatia, AP / SIPA )

Bien qu’il soit disparu, nous garderons en souvenir l’image d’un homme juste, d’un homme bon qui partageait sa foi et la mettait au service des autres. Un homme qui n’avait pas peur de crier à l’injustice, un homme qui se battait pour des causes nobles. Un homme, pour reprendre les propos du dalaï-lama, qui était un véritable trésor précieux dans un monde si troublé.

Romain LESOURD