Ce samedi 1er janvier, l’École supérieure de journalisme de Lille n’a fait qu’un avec la nouvelle « Université de Lille » et quatre écoles de la métropole lilloise pour former un établissement public expérimental (EPE). Un changement majeur pour l’enseignement supérieur dans le Nord, mais pas anodin.

Annoncé et officialisé par décret en septembre dernier, l’École nationale supérieure des arts et industries textiles (ENSAIT), l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille (ENSAPL), l’Institut d’études politiques de Lille (Sciences Po Lille) et l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ Lille) ont rejoint l’université de Lille au 1er janvier 2022 en tant que « établissements-composantes », aux côtés des facultés et unités de formation et de recherche (UFR) de l’université. 4 000 étudiants supplémentaires s’ajouteront alors au 78 000 de l’université de Lille. Eric Devaux, professeur et directeur de l’ENSAIT, affirmait en septembre au journaliste Gilles Durand dans les colonnes du quotidien 20 Minutes qu’il sera « plus facile de développer un cursus pluridisciplinaire diversifié en associant les formations. »
En 2022, l’École supérieure de journalisme de Lille n’est par ailleurs pas la seule grande école privée de journalisme à fusionner avec une université publique. Avec deux autres établissements privés, le Centre de formation des journalistes (CFJ Paris), ainsi que sa petite sœur l’École W, ont intégré l’université Panthéon-Assas au 1er janvier, ayant également opté pour le statut d’établissement public expérimental (EPE).
Qu’est-ce qu’un établissement public expérimental (EPE ou EPEx) ?
Créé par l’ordonnance n°2018-1131 du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur, ce nouveau statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) — forme juridique d’une université en France — dit « expérimental » permet à une université française ayant opté pour ce statut de regrouper ou fusionner des établissements d’enseignement supérieur et de recherche publics… et privés. Ils doivent néanmoins concourir « aux missions du service public de l’enseignement supérieur ou de la recherche ».
Dans le cadre de l’EPE « Université de Lille », l’ESJ Lille est l’unique établissement privé qui compose le nouvel ensemble. En tant qu’établissement-composante de l’université de Lille, l’ESJ conserve ses instances propres, notamment son conseil de gouvernance et ses instances disciplinaires, selon le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) dans son rapport du 12 octobre 2021. Néanmoins, l’université de Lille ne pourra conserver indéfiniment ce statut d’établissement public expérimental (EPE) et aura la possibilité dès le deuxième anniversaire du nouvel ensemble d’obtenir le maintien de ses particularités en adoptant le statut de « grand établissement ».
« Une hausse importante des frais d’inscription pour les étudiants »
Seules l’université Paris-Dauphine et l’université de Lorraine détiennent le statut de « grand établissement » parmi les universités. En région parisienne, la nouvelle université Panthéon-Assas a vocation à l’obtenir selon le décret de création de son établissement public expérimental (EPE). Mais différence de taille, inscrire ses enfants dans un établissement ayant le statut de « grand établissement » peut s’avérer coûteux : les droits d’inscription y sont modulés en fonction du revenu des parents. Dans une université ne bénéficiant pas du statut, les frais d’inscription sont fixés par arrêté ministériel : ils sont de 170 € en licence et de 243 € en master. Alors qu’à l’université Paris-Dauphine, un grand établissement, les frais de scolarité oscillent entre 0 € et 8 000 € par année universitaire. À Sciences Po Paris, également un grand établissement, les frais de scolarité peuvent atteindre jusqu’à 18 260 € par année universitaire.
Sous le nom « Université de Lille contre l’EPE(X) » sur les réseaux sociaux, les représentants du personnel de l’université de Lille affirment être « radicalement hostiles » face à un projet d’« université-entreprise » dont ils craignent qu’il conduise à la réduction de la démocratie étudiante.
La vice-présidente de l’université de Lille Sandrine Rousseau assurait en septembre dernier aux journalistes de Mediapart que « la force » de l’établissement public expérimental (EPE) est de « rassembler et de faire en sorte qu’il y ait des passerelles » entre « deux systèmes parallèles », l’un où l’on accède au filières d’excellence dès le baccalauréat, et l’autre où on y accède après l’université. Les représentants CGT-FSU-SUD du personnel de l’université l’assurent, « l’établissement public expérimental (EPE) autoriserait, à terme, la hausse importante des frais d’inscription pour les étudiants » ainsi qu’un accroissement des inégalités au sein même de l’université, par une « instauration d’une formation universitaire à double vitesse : des formations graduées fortement subventionnées pour les « élites », d’une part [et] des formations dégradées de premier cycle pour la grande masse des étudiants, de l’autre ».
Kévin Belbéoc’h
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