Soldes d’hiver : vous avez dit « économies » ?

C’est officiel : les soldes d’hiver seront lancés le 12 janvier prochain. L’occasion pour les magasins d’écouler leurs stocks, et pour nous autres consommateurs de faire des économies. Ou pas. Parce que vous aviez vraiment prévu d’acheter ce tee-shirt soldé à -30% ? Et ce pantalon soldé à -50% ? Retour sur un phénomène pas si économique que ça…

Il y a d’abord ces articles que l’on n’avait pas prévu d’acheter.  A priori, la période des soldes doit nous permettre d’acheter des objets dont nous avons réellement besoin mais que nous n’aurions pas les moyens de nous offrir en temps normal. Pourtant, bien souvent, c’est l’effet inverse qui se produit : nous achetons des choses dont nous n’avons pas besoin, sous prétexte de la bonne affaire. « À ce prix-là, ça vaut le coup » … : qui ne s’est pas déjà fait cette réflexion ? Une sorte de traquenard qui pousse à la surconsommation dont l’impact se fait ressentir sur votre porte-monnaie. C’est ce que déplore Raphaël Guastavi, à la Direction économie circulaire et déchets, à l’Ademe : « Les soldes peuvent être vus de manière positive s’ils permettent d’écouler les invendus. Mais ils suscitent des achats compulsifs et reflètent en outre la surproduction mondiale du secteur textile liée à la mode “rapide”, qui renouvelle les collections de plus en plus vite. » Selon une étude réalisée par la société Eulérian en janvier 2021, 75% de la population française a dépensé plus de 100€ dans les soldes d’hiver. Une somme colossale, surtout quand l’on sait que ces achats n’étaient pas prévus et résultent davantage de l’influence d’une promotion ou d’une publicité que d’un besoin impérieux.

Quand les marques gonflent leurs prix : une promotion en trompe-l’oeil

Il y a aussi ces promotions qui n’en sont pas vraiment. Il n’est pas rare que les marques gonflent leurs prix juste avant les soldes afin d’y appliquer ensuite de grosses promotions très alléchantes pour le consommateur. Un manteau à 150 euros pourra par exemple être augmenté à 200 euros avant les soldes puis être vendu avec une promotion de 50 euros, soit à son prix d’origine. Une pratique commerciale trompeuse, selon le code de la consommation. Si le commerçant est libre de choisir le prix de référence, il est interdit de le gonfler. Pour autant, les fraudes seraient nombreuses, malgré les risques. Selon Maitre Yaël Cohen-Hadria, avocate, « L’enseigne risque gros en cas de contrôle de la DGCCRF. Les amendes peuvent atteindre 300 000 euros ou 10% du chiffre d’affaires. » Pourtant, à chaque période de soldes, de nouvelles marques se font épingler sur les réseaux sociaux. En 2016 par exemple, c’est l’enseigne Desigual qui avait été accusée de gonfler artificiellement ses prix. Si l’enseigne avait démenti et mis en avant une erreur du magasin, les réactions sur les réseaux sociaux ne s’étaient pas fait attendre.

La marque Desigual sur Twitter en 2016

Finalement, les soldes ne seraient-ils donc rien d’autre qu’un leurre financier ? Selon une étude menée en 2015 par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, les promotions du Black Friday – une autre période phare de soldes – ne font bénéficier les clients que de 2 % de réduction en moyenne. 

De quoi prendre un peu de recul sur ces promotions pourtant si attirantes. D’autant plus lorsque l’on connait les chiffres de la surconsommation vestimentaire dans le monde. Selon selon le cabinet McKinsey, la consommation mondiale de vêtements a doublé entre 2000 et 2014. Ce sont aujourd’hui plus de 100 milliards de vêtements qui sont vendus dans le monde tous les ans, soit presque 14 pièces par personne, et dont la plupart ne seront portés que trois ou quatre fois. Et les Européens jettent ainsi quatre millions de tonnes de textiles tous les ans – dont 80% enfouis ou incinérés, et seuls 20% recyclés. Donc non, vous n’avez pas besoin de ce t-shirt soldé à 30%, ni de ce pantalon soldé à 50% …

Morgane Jean