Le couple Balkany va-t-il retourner en prison ?

Ce 3 janvier, la procureure d’Évreux Dominique Puechmaille a confirmé les informations des journalistes de Médiapart : les Balkany pourraient retrouver un décor carcéral dans quelques temps.  L’ancien maire bicéphale de Levallois-Perret avait été condamné en 2019 à 4 années de prison ferme et 10 d’inéligibilité. Le couple mettait fin à une trentaine d’années pendant lesquelles il était passé entre les mailles du filet de la justice. Aujourd’hui en détention « à distance » à l’aide d’un bracelet électronique, monsieur et madame Balkany risquent la révocation du dispositif pour manquement à leurs obligations de détenus. Pourquoi a-t-on alors du mal à les imaginer derrière des barreaux ? 

« Il y a eu une centaine d’incidents de sonnerie et un peu de désinvolture ». L’avocat d’Isabelle Balkany, Pierre-Olivier Sur, explique que le jugement de la procureure d’Évreux, condamnant les époux à la révocation du bracelet électronique, n’était qu’un « coup de semonce ». On en viendrait presque à croire qu’une condamnation par un Tribunal judiciaire pourrait ne représenter qu’une tape sur les doigts pour les anciens gouverneurs de Levallois-Perret, passés maîtres dans l’art de l’appel. 

« une centaine d’incidents de sonnerie »

Le ministère de la Justice précise : « en cas de non-respect [des obligations liées au bracelet électronique], le juge peut prendre des mesures allant jusqu’au retour en prison ». Les époux Balkany, plus d’une centaine de fois, n’ont pas respecté leurs obligations. Dans des horaires donnés, ils n’avaient pas le droit de sortir de la maison, pourtant, ils allaient chercher leur chien, ouvraient au facteur. Si ces infractions peuvent paraître bégnines, pour chacune de celles-ci, un surveillant pénitentiaire doit avertir le juge compétent après avoir réalisé un contrôle téléphonique, puis, un personnel d’insertion et de probation doit prendre contact avec l’infracteur, et lui demander des explications. On imagine assez bien la lassitude des autorités quand elles ont eu à faire à une centaine d’infractions. Pourtant, et malgré les nombreuses occurrences de sonnerie, le juge n’a pas l’obligation de révoquer le bracelet électronique. Le retour ou non en prison est entièrement laissé à la discrétion du juge. C’est bien cela qui fait grincer des dents, car ce sont ces mêmes magistrats qui ont laissé pendant plus de 3 décennies Patrick et Isabelle Balkany enfreindre la loi au vu et au su de tous. 

Pas d’application des peines pour les fraudeurs fiscaux ? 

La désinvolture dont font preuve Patrick et Isabelle Balkany montre à quel point cette élite semble à l’abri des cellules. Des amendes oui, de la prison, presque jamais. Dans les grandes affaires d’évasion fiscale comme celles des Balkany, récemment rattrapés par la justice, on entend souvent condamnation, mais rarement réclusion. « L’impuni » titrait Jean-François Deniau dans son ouvrage sur le maire de Levallois-Perret. C’est dire l’ampleur de conscience générale des méfaits de Patrick Balkany et l’inaction notable de la magistrature.  

S’ils font figure d’exemple dans les récentes affaires de « criminalité en col blanc », les Balkany n’étaient pas seuls dans ce désert carcéral. Selon les chiffres révélés par Revue Projet, parmi les condamnations de fraude fiscale, 87% sont des peines de prison. Pourtant, le taux d’incarcération effectif frôle les 0%. D’une part, parce que la plupart de ces peines sont assorties d’un sursis, et d’autre part, parce que les condamnations à de la prison ferme sont souvent aménagées. 

La certitude de la peine carcérale, une solutions à la fraude fiscale ?

Chaque année en France, on estime à environ 80 milliards d’euros le manque à gagner par l’État en raison de la fraude fiscale. Pourtant, les criminels derrière ces sociétés écrans, ces holdings, ces trusts et tutti quanti, ne se sont presque jamais inquiétés par la prison. En 1764, Beccaria écrivait dans les délits et les Peines : « le frein le plus puissant des délits n’est pas la rigueur des peines, mais leur infaillibilité et par conséquent l’active vigilance des magistrats ». Son homologue, La Ferrière, écrivait lui en 1759 « c’est l’espérance de l’impunité qui excite les méchants à faire des crimes ». Oui, certains fraudeurs sont condamnés à verser des sommes d’argent, parfois colossales. Mais pour ces criminels, la vraie crainte réside dans l’éventualité d’une peine carcérale. Peut-être la solution est-elle à chercher sur ce terrain-là. 

Marin Daniel-Thezard