C’est dans le froid qui caractérisait le mardi 20 janvier 1942, qu’une décision a été prise. Une décision qui marquera les esprits à jamais, qui en ferait pâlir le diable en personne. Une décision prise par quinze hauts fonctionnaires du parti nazi lors de la conférence de Wannsee. Une conférence qui avait pour but de discuter de la mise en œuvre du projet Endlösung der Judenfrage, ou en français : la solution finale de la question juive.
Reinhard Heydrich, Heinrich Müller, Adolf Eichmann, Wilhelm Kritzinger… tous étaient réunis dans la villa Marlier de Wannsee, dans la banlieue de Berlin, pour aborder la question de l’extermination des Juifs. Un projet de massacre de masse à l’encontre des Juifs européens, adopté en 1941 par Hitler.

Pourquoi cette haine envers les Juifs ?
« Il faut couper le mal à sa racine » écrivait Philonidès de Laodicée. Une vision des choses qu’Hitler et son parti ont adopté à l’encontre de la communauté juive. Animés par leur amour flamboyant à l’encontre de l’odinisme germanique et de la suprématie raciale, il fallait que les Allemands trouvent un responsable pour les douleurs qui frappaient leur pays. C’est ainsi que le peuple juif fût désigné. Pour ces nazis, cela faisait des millénaires que le peuple juif souhaitait la disparition des populations nordiques. Tous les maux que le monde connait et a connu, ils les devaient uniquement aux Juifs. Du moins, c’est ce qu’enseignaient les cours idéologiques nazis, qui étaient obligatoires. On y présentait l’idée que les Juifs étaient les auteurs de la Grande Guerre, de la défaite ainsi que de l’affaiblissement de l’Allemagne. Un affaiblissement qui s’inscrivait dans le domaine politique ainsi que dans le domaine économique. Si l’Allemagne était devenue un Reich appauvri, mutilé et sans défense, c’était uniquement à cause de la communauté juive.
En plus de représenter une menace à l’échelle nationale, les nationaux-socialistes ont qualifié la communauté juive de danger international. Nous étions à l’époque d’une forte expansion de l’idéologie bolchévique. Une idéologie selon les allemands, que les Juifs ont créé de toute pièce. Cette expansion a alors fait naître au sein des esprits allemands, une peur sans fond : la disparition de leur culte et de leur civilisation, au profit du peuple juif. L’idée exprimée dans le manifeste Kampf dem Bolschewismus (1942) est que le but du bolchévisme, qui est une doctrine juive selon les allemands, est de réduire l’Europe et donc l’Allemagne, à l’état de brouet humain. Un statut inenvisageable pour les nazis, qui par peur ou par conviction, ont décidé de mettre en place la tuerie de masse à l’encontre des Juifs.

Les modalités adoptées au cours de la conférence
Lors de la conférence de Wannsee, la plupart des participants savaient déjà que la Shoah avait commencé depuis quelques mois. On savait que les quatre Einsatzgruppen étaient établis à l’Est de l’Allemagne pour traquer et assassiner les Juifs. Pourtant, la conférence a bien eu lieu. Dans quel but, puisque les forces allemandes s’adonnaient déjà à des tueries de masses ? En réalité, l’idée restait la même : anéantir le peuple juif. Mais les moyens pour y parvenir étaient nettement différents.
La solution finale avait pour but de mobiliser, sous une forme appropriée et sous l’encadrement voulu, les Juifs au travail dans des camps à l’Est de l’Europe. Cela permettait alors aux forces allemandes d’affaiblir de manière continue la communauté juive, notamment à cause des rudes conditions de travail, qui entrainaient la mort la plupart du temps. Pour Reinhard Heydrich, adjoint d’Himmler, cette situation rendait l’Allemagne gagnante sur tous les points, puisqu’elle gaspillait moins de munitions et d’hommes pour éliminer ses ennemis.
Pour les plus résistants, l’historien Saul Friedländer rapporte dans son livre « L’Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945 : Les années d’extermination (2008) » que Heydrich a demandé lui-même à ce que ces derniers soient « traités en conséquence ». Une décision approuvée à l’unanimité. S’en suit alors une augmentation des créations de camps de concentration et d’extermination comme celui de Belzec, Sobibor ou encore Treblinka dans la partie Est de l’Europe. Tous traduisent la volonté mise en avant à la conférence de Wannsee par les hauts fonctionnaires allemands : anéantir les Juifs.
« Nous n’étions que des soldats, bons à obéir aux ordres »
Beaucoup de vies ôtées au cours de cette tuerie de masse et pourtant, peu de regrets du côté allemand. Rudolf Hoss par exemple, qui était l’ancien commandant du camp Auschwitz-Birkenau, a expliqué dans son livre Mein Psyche (1947) que lui et ses camarades étaient des soldats. Et un soldat doit obéir aux ordres, peu importe ce qu’on lui demande. De plus, endoctrinés dans leur haine face à la communauté juive et persuadés que cette dernière était l’autrice de la guerre, ils trouvaient normal de répondre à la violence par la violence. Des paroles peu recevables pour les jurys qui ont auditionné et condamné les hauts dignitaires nazis qui avaient survécu, ou qui ne s’étaient pas donnés la mort. De multiples procès ont eu lieu, condamnant un par un les rouages qui avaient fait fonctionner la solution finale pendant trois ans.
Si un procès est à retenir en particulier, il s’agit bien de celui d’Adolf Eichmann. En fuite depuis 1950, il a été exfiltré d’Argentine pour être jugé en Israël en tant que « Organisateur de la solution finale ». C’est dire ô combien le nom d’Eichmann a hanté la population juive. Son procès s’est caractérisé par 121 séances. Si au début, Eichmann n’avait pas le droit à la parole qui était réservée aux témoins, elle lui sera accordée pour qu’il mette en place sa défense. Une défense similaire à celle de Hoss, s’appuyant sur la notion de dépendance totale à une force plus grande que la raison et la morale elles-mêmes. Cette force en question était le gouvernement. Cela n’a pas empêché Adolf Eichmann d’être condamné à la pendaison pour plusieurs chefs d’inculpation, notamment crime contre l’humanité. Une pendaison qui a pris effet le 31 mai 1962, 20 ans après la proclamation et la mise en œuvre du projet Endlösung der Judenfrage.
La création de la solution finale il y a 80 ans, a causé la mort des deux-tiers de la communauté juive d’Europe de l’époque. Ce chiffre équivaut à 6 millions de Juifs environ. Cela représente à peu près la moitié de ce que Reinhard Heydrich et le Reich avaient pour ambition d’éliminer, à savoir 11 millions. Mais c’est déjà trop.
Romain LESOURD
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