Le putsch armé : la nouvelle tendance en Afrique de l’Ouest

L’Afrique de l’Ouest connaît une période difficile. Trois coups d’État ont été perpétrés au sein de la région en l’espace d’un an et demi. Il y a eu le Mali en août 2020, puis la Guinée en septembre 2021 et récemment le Burkina Faso ce lundi 24 janvier 2022. Un phénomène de contagion qui inquiète les occidentaux et la CEDEAO.

Des états fragilisés pour diverses raisons

Nombreuses sont les raisons qui expliquent les coups d’État que connait l’Afrique de l’Ouest. La première est la réapparition des forces djihadistes. A la base concentrées dans le nord du Mali, les troupes djihadistes se sont emparées de territoires, notamment ceux du centre il y a déjà quelques années. Une volonté d’expansion et d’implantation qui se traduit par une grande violence à l’encontre des populations et des institutions locales. Ces phénomènes intensifient la crise sécuritaire qui était déjà présente dans les pays concernés, les affaiblissant alors par la même occasion.

Autre raison majoritaire qui explique la floraison des putschs en Afrique de l’Ouest : une gouvernance de plus en plus mauvaise au sein des pays. Au Mali, le putsch a notamment eu lieu à cause de la contestation des résultats des élections législatives au cours du printemps 2020. Les forces armées accusaient notamment Ibrahim Boubacar Keita de favoriser son entourage pour l’obtention de postes. Pour ce qui est du putsch en Guinée, il est dû à l’autoritarisme d’Alpha Condé et à ses actions d’emprisonnements à l’encontre de l’opposition politique. Enfin, au Burkina Faso, le putsch s’explique par la non implication du président Roch Marc Christian Kaboré pour le bien de son peuple et de sa sécurité. Les militaires lui reprochent de ne pas avoir octroyé assez de provisions et de moyens à la caserne de gendarmerie d’Inata. Une caserne qui avait subi une attaque djihadiste en novembre dernier, qui a occasionné 53 morts dont 49 gendarmes.

La CEDEAO sous pression

A la suite du message prononcé par les militaires du Burkina Faso, qui appelaient au rassemblement de la population, des centaines de personnes se sont réunies à Ouagadougou mardi dans la journée. Certaines personnes arboraient fièrement des pancartes à l’encontre de la CEDEAO (Communauté Economique Des États d’Afrique de l’Ouest). Pourtant, le groupement régional constitué de 15 membres a pour mission de favoriser l’intégration économique des pays membres. Des pays membres dont font partie le Mali, la Guinée et le Burkina Faso. Alors comment expliquer cette impopularité grandissante de la part des populations à l’encontre de la CEDEAO ? Cette dernière est accusée d’adopter un ton ferme face à ceux qui mettent en place les putschs. Par exemple, la CEDEAO avait décidé de fermer les frontières avec le Mali et de mettre le pays sous embargo suite au putsch et à la non organisation de l’élection présidentielle et des législatives pour le 27 février par les colonels actuellement au pouvoir. De plus, il est reproché à la CEDEAO de fermer les yeux sur les dérives autocratiques des dirigeants élus, comme celles d’Alpha Condé.

Manifestation au Mali avec une pancarte visant la CEDEAO (source : RFI)

Une situation délicate pour la France

Cela met également les partenaires de la CEDEAO dans une position fragile, notamment la France qui se veut être le modèle et le messager de la démocratie. Établie au Tchad par le biais d’appuis militaires, la junte militaire malienne et ses soutiens critiquent ouvertement la présence française et demandent son départ. De plus, la France a de bonnes relations avec le Niger et la Côte d’Ivoire, deux autres pays membres de la CEDEAO. Cette dernière a même reçu le soutien d’Emmanuel Macron après les évènements au Burkina Faso. Pour les opposants, la situation est claire : la France a joué et joue un rôle majeur dans les décisions prises à l’encontre des opposants, donc les putschistes et ceux qui les soutiennent. 

Une pancarte lors de la manifestation anti-Français du 14 janvier, à Bamako (source : Le Figaro / Florent VERGNES AFP)

De plus ce mardi, la Russie qui a été un pays acclamé lors des manifestations, a communiqué son soutien à la force militaire du Burkina Faso. Un soutien exprimé par Alexandre Ivanov qui est l’un des représentants des « instructeurs » russes en Centrafrique et par l’homme d’affaires russe Evgueni Prigojine, connu pour être très proche de Vladimir Poutine. Cette déclaration ne va pas dans le sens de la France, déjà engagée dans une confrontation contre la Russie par le biais de l’OTAN à propos de la situation russo-ukrainienne.

Communiqué d’Alexandre Ivanov à l’encontre du Burkina Faso (source : Ouest-France)

Vendredi 28 janvier se tiendra une réunion au sommet entre les membres de la CEDEAO. Des sanctions devraient être prises à l’encontre du nouveau gouvernement du Burkina Faso. Souhaitant affirmer son autorité, qu’elle juge nécessaire pour la stabilité de la région, la CEDEAO risque au contraire, d’amplifier les tensions. Une situation qui pourrait engendrer d’autres coups d’État.  

Romain LESOURD