Il y a tout juste 1 an, le 1er février 2021, le président Win Myint et la dame de Rangun, tout comme la démocratie birmane, sont tombés aux mains des militaires de Myanmar. Depuis, les Birmans s’exilent, les partenaires économiques comme TotalEnergie ou Chevron se retirent et la junte assoit son régime autoritaire. Bilan d’une année de terreur...
En début de semaine, la junte birmane a annoncé que les concerts de casseroles seraient désormais considérés comme un crime de haute trahison. Symbole de la lutte citoyenne, le tintamarre est désormais interdit à Myanmar. Celui qui s’essaie à battre le métal est passible de la peine de mort. Cette nouvelle mesure drastique est le miroir de l’instauration du régime autoritaire de la junte birmane, ne laissant aucun espoir du retour à une quelconque forme de régime démocratique. Pourtant, le peuple ne décolère pas et malgré la multiplication des interdictions, il continue à manifester son mécontentement notamment par l’intermédiaire d’actes de désobéissance civile (blocage de la circulation, boycott des institutions administratives…).
La sévère répression du printemps birman
Dès son installation au pouvoir, la junte birmane l’a fait savoir, la dissidence n’a plus sa place à Myanmar.Les citoyens ont perdu l’usage de la plupart de leurs droits fondamentaux parmi lesquels : la liberté de manifestation. Celles-ci sont très sévèrement réprimées. Dernier exemple en date, celui du 24 décembre, où lors d’une marche de protestation la confrontation entre les forces armées du pouvoir et les manifestants a coûté la vie à 31 civils.
Un an après l’arrivée au pouvoir des militaires, l’association pour les prisonniers politiques dresse un très lourd bilan, 1498 civils ont été tués par la junte, 11 787 ont été arrêtées et 8 792 sont actuellement placées en détention. Des exactions qui n’ont pas échappé à la communauté internationale qui, peu à peu, commence à prendre des mesures de sanctions à l’égard du régime militaire : depuis mai dernier, l’Union européenne ne cesse de multiplier les sanctions économiques à l’égard des agents économiques du pays et en fin d’année les États-Unis ont appelé les membres du Conseil de sécurité de l’ONU à imposer un embargo militaire. Les grands groupes commerciaux commencent eux-aussi à mettre un terme à leurs relations avec Myanmar. Exemple le plus marquant, le retrait du pays de TotalEnergies qui exploitait depuis 1990, un champ gazier dans les eaux birmanes.
Prison à vie pour Aung San Suu Kyi ?
Pour légitimer son entrée forcée au pouvoir, la junte n’a pas hésité à faire arrêter abusivement les hauts cadres de l’administration birmane. Aung San Suu Kyi, figure de la démocratie birmane, n’y a pas échappé : des dizaines de crimes lui sont reprochés. Importation illégale de talkie-walkie, sédition, corruption ou encore fraude électorale : tout est bon pour faire enfermer l’ex-dirigeante. Reconnue coupable, le 4 décembre dernier, de violation de règles de sécurité sanitaire et d’incitation à la sédition, la dame de Rangoon est officiellement de retour en détention. Au total, au terme du procès fleuve qui l’attend cette année, l’ex dirigeante de 76 ans encourt jusqu’à 102 d’emprisonnement.
Le retour à la case prison d’Aung san suu kyi replonge le pays 30 ans en arrière. En 1989, déjà, elle est incarcérée, pour son combat pour la liberté. A l’époque, la junte militaire qui vient de renverser le gouvernement voit en elle une adversaire de taille. Visage de la démocratie birmane, notamment à raison de son rôle de première secrétaire de la Ligue Nationale pour la Démocratie, le parti dissident ultra influent, la dame de Rangoon est placée en résidence surveillée. Enfermé pendant plus de 10 ans, son combat pour la démocratie est salué. D’abord dans les urnes : elle remporte en 1990 les élections législatives (dont le score sera annulé par le régime militaire), mais aussi à travers le globe : lors de sa détention, elle reçoit le prix Sakharov et le prix Nobel de la paix.
Sois sage et tais-toi
Le retour de la junte au pouvoir a balayé les progrès du pays en matière de liberté d’expression ces dernières années. En seulement un an, Reporter sans frontière considère que le gouvernement militaire de Myanmar détient le record de journalistes emprisonnés : à l’heure actuelle 57 d’entre eux sont toujours en détention et y ont été placés de manière arbitraire.
Quelques jours déjà après le putsch, les reporters couvrant les manifestations pro démocratie se sont vu massivement arrêtés et visés par des sanctions ciblées. Au fil des mois, les mesures prises à l’égard des journalistes se sont exacerbées. Traités comme des criminels, ils sont activement recherchés : des listes noires sont dressées dans les journaux télévisés et dans la presse papier, leurs portraits sont diffusés. Pour avoir couvert la violence de la répression des manifestations, pointés du doigt comme étant « ceux qui diffusent des informations pour ébranler la stabilité de l’Etat », ils font l’objet d’un mandat d’arrêt et s’exposent à trois ans d’emprisonnement. Exercer le métier de journaliste à Myanmar se fait donc désormais dans la plus grande discrétion. Symbole de cela : la volonté du collectif de photoreporters ayant réalisé le projet Printemps Myanmar[1], récompensé du prix Nixon de photographie lors du Prix Bayeux, de conserver leur anonymat au moment de l’annonce du gagnant. Une telle demande n’avait jamais été formulée auparavant.
[1] Série de photographie la violence de la répression des manifestations
Emma Rieux-Laucat
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