Le vélo réservé aux hommes ?

Alors que la France est le cinquième pays au monde à privilégier le vélo, seulement 10% des licences du cyclisme sont détenues par des femmes. Que ce soit dans le monde sportif ou au quotidien, le vélo reste une pratique essentiellement masculine. Pourquoi ?

En 2017, le cyclisme était le cinquième sport préféré des Français. Et avec le confinement, le vélo est de plus en plus apprécié comme transport, à tel point que certains rayons ont été vidés. Pourtant, il reste majoritairement une activité d’hommes. En 2018, plus de 100 000 licences ont été délivrées à des hommes par la Fédération française de cyclisme (FFC), tandis que seulement 12 000 femmes en détenaient une.

Entre blagues et remarques sexistes

À Lille, l’association Les Jantes du Nord a décidé d’agir. Tous les premiers vendredis du mois, l’atelier vélo la Perm des Gentes est ouvert à tous, sauf aux hommes cisgenres (les personnes se qualifiant être du genre masculin). La co-présidente, Joë Grépinet, assure que le but n’est pas d’exclure les hommes puisque quatre autres ateliers mensuels leur sont ouverts. « L’idée est que ce soit un tremplin pour que les femmes, les personnes transgenres ou non binaires reviennent et se sentent légitimes pour venir dans tous les ateliers mixtes. »

« Tout ça part d’un constat, il y a moins de femmes que d’hommes dans les ateliers vélo. » Entre blagues et remarques sexistes, les femmes peuvent se sentir illégitimes dans ce domaine. « Il y a une sorte d’attention paternaliste portée aux femmes quand elles rentrent dans l’atelier. » Pensant qu’elles sont moins compétentes, les hommes leur prennent les outils des mains et leur donnent des conseils non sollicités. Alors même que l’objectif est d’apprendre à réparer son vélo soi-même.

Ce n’est pas mieux du côté des femmes bénévoles. Certains hommes peuvent remettre en doute leurs paroles alors même qu’elles sont expertes en la matière. Le tout saupoudré de remarques sur la force physique : « Ah non ! Je ne t’ai pas demandé à toi, j’ai demandé à un homme de m’aider ! »

La peur de l’accident et l’insécurité la nuit

Le géographe Yves Raibaux a étudié la pratique du vélo à Bordeaux. En moyenne, 38% des cyclistes dans cette ville sont des femmes. Et l’écart se creuse selon les moments de la journée. Elles sont plus nombreuses en fin d’après-midi, pour rentrer du travail ou de l’école, alors que les hommes sont plus nombreux aux horaires de loisirs : soirées et dimanche après-midi. Et la nuit, 78% des cyclistes sont des hommes. Pourquoi cette différence ? Les principales raisons sont la peur de l’accident et le sentiment d’insécurité la nuit. Certaines femmes vont d’ailleurs éviter le vélo selon les jours. Si leur travail demande, même implicitement, une tenue « professionnelle » (jupes, tailleurs, talons, maquillage), elles laissent le vélo de côté.

Pour autant, du point de vue des femmes, il reste des avantages à privilégier le vélo aux autres moyens de transport. Par exemple : l’activité physique et une attitude responsable vis-à-vis de l’environnement. Mais aussi éviter la promiscuité dans les transports en commun, autrement dit, les agressions sexuelles de certains messieurs.

Léa Comyn