Christiane Taubira, la candidate qui peut réunir la gauche ?

Ce dimanche, Christiane Taubira, est sortie vainqueure de la primaire populaire devant Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Une primaire qui a réuni plus de 390 000 votants. A quelques mois de la présidentielle, elle doit donc tenter de rallier ses concurrents de gauche. Un challenge, alors que le bord politique est toujours plus divisé. Décryptage.

Telle une jeune bachelière, Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice, a obtenu une mention « bien + » au à la primaire populaire par 67% des votants. Un résultat qui change tout pour Christiane Taubira qui entre officiellement dans la course à la présidence. Face à elle, six autres candidats qui n’ont pas remporté ce scrutin citoyen : Yannick Jadot (assez bien +), Jean-Luc Mélenchon (assez bien −), Pierre Larrouturou (passable +), Anne Hidalgo (passable +), Charlotte Marchandise (« passable − ») et enfin, Anna Agueb-Porterie (« insuffisant »).

« Nous devons trouver un chemin, un langage, de façon à rassembler les gauches et leurs sensibilités », a-t-elle partagé à son QG, ce dimanche, en ajoutant : « Je prendrai l’initiative d’appeler les autres candidats ». Une déclaration qui semble encore loin de faire l’unanimité, chez ces « autres ».

Les résultats de Christiane Taubira qui la placent donc en candidate favorite de la gauche. Crédit : Primaire Populaire

Une primaire pas si populaire

Ce scrutin avait pourtant l’ambition de réunir la gauche sous une même tête d’affiche. « En l’état personne ne passe au second tour s’ils n’arrêtent pas de se présenter à droite à gauche et qu’ils n’essayent pas de travailler ensemble », appuie Céleste Lacombe, co-coordinatrice du groupe local de Lille de la Primaire Populaire. « Avec ce scrutin, l’idée était de créer une pression citoyenne », continue-t-elle.

467 000 inscrits soit quatre fois plus que celle des Verts, la primaire était en effet attendue. Sept candidats face au peuple pour les élire lors d’un vote à jugement majoritaire. De la démocratie pure souche. Pourtant ces rêves d’unité se sont vite écroulés et cette gauche sociale reste divisée. Certain.e.s candidat.e.s avaient dit et confirment encore aujourd’hui refuser de reconnaître les résultats de la Primaire populaire. Selon Guillaume Lacroix, président du Parti radical de gauche, interrogé par Franceinfo, les candidats « n’allaient pas tout interrompre pour une Primaire populaire qu’ils n’avaient pas souhaitée. »

Jean-Luc Mélenchon lors d’un meeting à Nantes le 16 janvier qui refusait de participer à la primaire populaire. Crédit : Huffpost

Dans C dans l’air (France 5), Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France insoumise, a déclaré que cette victoire « ne change rien » à ses rêves de présidence. « Je ne suis pas concerné, j’ai été inscrit d’office dans une élection à laquelle je ne voulais pas participer… Je n’ai pas de commentaire à faire« , a-t-il aussi partagé. Contrairement à Fabien Roussel qui a annoncé se rallier à l’ex-ministre de la Justice, l’écologiste Yannick Jadot a lui aussi fait part de son opinion sur TF1 : « C’était une Primaire populaire pour Christiane Taubira, elle en sort vainqueure, c’est une candidature de plus, c’est exactement l’inverse de ce que souhaitait la Primaire populaire.« 

Cette primaire n’aurait donc vraiment servi à rien ? Pas pour Pathé Diop, professeur en sciences-politiques à l’Université Catholique de Lille. « Chacun attendait des résultats qui aillent en sa faveur afin de bénéficier non seulement d’une onction transversale des militants de gauche, mais également gagner davantage en légitimité extra-partisane. S’ils ont commenté les résultats, et les rejettent par ailleurs, c’est parce qu’ils n’étaient absolument pas indifférents à la primaire », commente-il. Des mauvais joueurs donc ?

Christiane Taubira à son QG au Point Ephémère à Paris ce dimanche. Crédit : Thomas Coex/AFP

La gauche : chacun pour soi ?

Au lieu de se rallier à l’ancienne Garde des Sceaux, les candidats de la gauche préfèreraient donc exister en tant qu’individualité selon l’universitaire. « Cette division pourrait s’expliquer par une logique d’appareils, c’est-à-dire le besoin pour ces derniers d’exister tout simplement en captant les financements publics. L’existence individuelle est une question de survie politique », explique Pathé Diop.

Une question se pose alors : votons-nous uniquement pour des candidats et non plus pour des partis et des idées ? Le « un pour tous et tous pour un », n’existe donc plus ? « Avec cette primaire, on voulait faire montrer qu’outre une candidature unique, il faut surtout un programme, notre but est donc de mettre en avant ce socle commun, plus qu’une personne », avance Céleste Lacombe. Ce socle commun est un ensemble de mesures que Christiane Taubira s’est engagée à mettre en avant pour la présidentielle. Un contrat passé avec les organisateurs de la primaire populaire qui s’engagent

Selon un sondage de l’Ifop sur les intentions de vote au premier tour, la somme des voix de Jean-Luc Mélenchon, Christiane Taubira, Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Fabien Roussel serait de 26%, soit 2 points de plus que les 24% d’Emmanuel Macron, en tête du sondage. Tout ne serait pas perdu donc. Théoriquement, « si Christiane Taubira arrive à convertir d’abord politiquement et ensuite électoralement cette opération arithmétique, il va sans dire que son travail de réunir la gauche aura plus que réussi« , suppose le professeur de sciences-politiques. Encore faut-il que la gauche consente à se mettre d’accord et pour le moment, c’est plus chacun pour soi, qu’un pour tous et tous pour un.

Margaux Chauvineau