Les talibans ont-ils vraiment changé ?

Vingt ans après avoir été chassés du pouvoir, les talibans ont repris le contrôle de l’Afghanistan. Depuis ils se prétendent modérés, bien que leurs pratiques semblent contredire leur discours. Le pays étant en proie à devenir la pire crise humanitaire au monde, l’Europe s’est résiliée à ouvrir la discussion.

Ils sont entrés dans le palais présidentiel la kalachnikov en bandoulière. Le 15 août 2021, les talibans ont reconquis Kaboul, la capitale afghane. Le mouvement islamiste radical revient au pouvoir, vingt ans après en avoir été chassé par une coalition menée par les Etats-Unis. Le lendemain, l’aéroport est pris d’assaut par des milliers d’afghans. Un goût de déjà-vu, qui les poussent à fuir le pays.

Des combattants talibans sur le toit d’un véhicule militaire américain, dans l’ouest de Kaboul, dimanche 15 août.
Des combattants talibans sur le toit d’un véhicule militaire américain, dans l’ouest de Kaboul, dimanche 15 août. ANDREW QUILTY / AGENCE VU POUR « LE MONDE »

La terreur talibane de 1996

Le 27 septembre 1996, les «étudiants en théologie», la signification du mot «talibans» en arabe, s’emparent pour la première fois de Kaboul. Rapidement, la charia est rigouresement instaurée et les habitudes des Afghans changent radicalement. Les femmes voient leurs droits réduits, la musique et le cinéma sont prohibés. Les exécutions sommaires côtoient désormais les sorties à la mosquée. Jusqu’à 2001, quand l’armée américaine délogent les talibans. A leur retour cet été, c’est la panique. « Quel sort attend nos filles ? », crient des afghans, « Nous avons besoin d’aide, s’il vous plaît ! ». L’histoire va-t-elle se répéter ?

Pourtant, le 17 août, date de leur première conférence de presse, les talibans se sont montrés rassurants. Ils affirment vouloir la stabilité et la paix intérieure et extérieure. Les droits des femmes ne devraient pas être menacés, la liberté de la presse non plus. Un discours qui reflète une réelle « sophistication politique des talibans », selon Michael Barry, professeur à l’université américaine de Kaboul.

Invisibiliser les femmes

Mais sur place, la réalité est plus complexe. Si en 1996, c’est l’horreur dans les rues, les lapidations, les mains coupées… EN 2021, la situation semble sournoise. D’apparence, les Talibans apparaissent modérés. Pourtant, le programme religieux reste le même. La charria est toujours appliquée et inquiète la population, notamment les femmes qui ne croient plus en leurs promesses. Et pour cause. Quelques heures à peine après être arrivés à Kaboul, les talibans effaçaient déjà les images des femmes dans l’espace public.

Crise humanitaire: le retour discret de l'aide occidentale à l'Afghanistan  | Les Echos
Un garde taliban surveille des femmes afghanes faisant la queue lors d’une distribution d’aide du Programme alimentaire mondial à Kaboul. (Hector RETAMAL/AFP)

Le 26 décembre dernier, le porte-parole du gouvernement a annoncé que “les femmes voyageant plus de 72 kilomètres ne peuvent pas faire le trajet si elles ne sont pas accompagnées par un membre proche de la famille (un « mahram« ). Un règle déjà en vigueur en 1996. À cela s’ajoute l’obligation du port du voile islamique, la privation d’école pour les filles âgées de plus de 12 ans dans de nombreuses provinces afghanes et le fait que le gouvernement soit toujours dépourvu de femmes. Et toute manifestation de femmes est violemment réprimées par les autorités talibannes. Leurs conditions ne sont qu’un exemple parmi d’autres d’une application toujours rigoureuse de la charia.

La « pire crise humanitaire au monde »

Mais sans être reconnus par la scène internationale, les talibans feront tomber le pays dans « l’une des pires catastrophes humanitaires au monde » » selon l’ONU. L’aide internationale qui maintenait le pays à bout de bras a été soudainement arrêtée après la prise de pouvoir des Talibans. Les États-Unis ont gelé les avoirs de la Banque centrale afghane. Aujourd’hui le pays est à l’arrêt et la population meurt de faim.

En Afghanistan, « la pire crise humanitaire sur terre »

WILLIAM DANIELS POUR « LE MONDE »

La seule solution : convaincre les pays occidentaux de débloquer d’urgence une aide financière. Pour la première fois ce 25 janvier, des négociations à Oslo se sont tenues entre talibans et Occidentaux sur la crise humanitaire afghane. Des discussions déterminantes pour l’avenir du pays. Peut-on refuser de reconnaître le gouvernement taliban au risque de laisser mourir toute une population ? 

Cidjy Pierre