La représentation de l’Afrique dans les manuels scolaires d’histoire est en proie à des stéréotypes et à une représentation partielle et incomplète de ce qu’elle a été/est vraiment. Une Afrique racontée par l’Occident, jamais représentée en tant que telle. Sophie Leclercq a analysé comment les illustrations choisies ont participé à construire ces stéréotypes.

Aujourd’hui encore, l’ouverture des programmes et des manuels aux différentes civilisations reste limitée. Outre les contraintes liées au temps et aux examens, qui limitent la marche de manœuvre des professeurs, le choix des iconographies participe à cet enseignement fragmenté. Sophie Leclercq, professeur à Science po Paris et docteure en histoire culturelle, s’est intéressée au décalage entre représentation scolaire et réalité, en allant fouiller dans les archives de l’éducation nationale, de 1870 à 1962, à travers divers supports pédagogiques (Affiches didactiques, couvertures de cahiers, bons points, jeux, illustrations, manuels). Elle s’est intéressée à la manière dont le fait colonial était retransmis à travers elles.
L’Afrique enchâssée dans un discours colonialiste
“Lorsque l’on parle de l’Afrique, on constate que cela s’enchâsse toujours dans un discours colonialiste” remarque Sophie Leclercq. “On ne va pas valoriser ce qu’on appelait le degré de civilisation, ainsi que la complexité des systèmes sociaux qui était en place”, poursuit-elle. Pour illustrer l’Afrique subsaharienne, on représentait par exemple des indigènes couchés au sol, peu vêtus, à l’agonie. Des populations vouées à disparaître, toujours dans une posture dépréciative. Fait remarquable selon la chercheuse, l’ambivalence entre l’africain sauvage, voué à une extrême violence, cannibale, empêtré dans les conflits, et le sauvage vivant en harmonie avec la nature. Dans les deux cas dit-elle, les puissances colonisatrices se doivent de leur amener la civilisation. Ce discours transparait à l’école, à travers les supports visuels : des images colorées, des violences édulcorées, un monde colonial bien ordonné, des gens heureux et respectueux des traditions. En somme, “une utopie que l’on veut vendre aux écoliers”, selon la chercheuse.
Des stéréotypes qui persistent
Jérémy Gilles est professeur d’histoire géographie au collège depuis 15 ans. “Il y a probablement plus d’ouverture à l’autre aujourd’hui dans les programmes”, affirme t’il. Il reste cependant des traces de ces années de propagande, voulue par une France attachée au roman national. “Sur les sujets liés à l’Afrique, il n’y a pas une séquence, un chapitre consacré spécifiquement à l’Afrique, sauf par le biais des traites négrières, de la colonisation/décolonisation. Ça reste un point de vue européo ou franco-centré, donné par le ministère de l’éducation”, constate t’il. La question de la formation des enseignants et jeunes étudiants semble primordiale. “Faut-il qu’ils aient l’opportunité d’étudier l’Afrique d’un point de vue africain et non plus européo centré ?”. Pour ce dernier, la solution réside aussi dans la recherche, qui permettra de faire évoluer les choses. Un processus « au temps long” selon M. Gilles, qui revendique malgré tout une marche de manœuvre non négligeable des professeurs, en dépit des contraintes liées à la lourdeur des programmes.
Hélène Decaestecker
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.