Rose Lamy se bagarre pour “défaire le discours sexiste dans les médias” 

Depuis quelques semaines, Rose Lamy enchaine les conférences et interventions médiatiques, pour parler de son livre “Défaire le discours sexiste dans les médias”. Elle entend lever le voile sur le traitement médiatique sexiste des violences sexistes et sexuelles. 

Tout commence en 2003, lorsque l’actrice Marie Trintignant meurt sous les coups de son compagnon, Bertrand Cantat. “Ce qui m’attriste d’abord, c’est la possible fin de carrière de l’artiste”, écrit Rose Lamy. Puis, au fil du traitement médiatique de l’affaire, Rose se sent dérangée par la manière dont on parle de l’accusée et de l’actrice assassinée. “Pourquoi, moi, contrairement à tout le monde, ce n’est pas à la place de Bertrand Cantat que je m’imagine ?” s’interroge-t-elle alors.   

Marie Trintignant n’existe plus en tant que personne. Elle est devenue l’instrument de la chute d’un homme prodigieux : un simple dommage collatéral”, peut-on lire dans ses pages. 

Une fois la machine lancée, impossible de l’arrêter. Le doute n’est plus de mise pour Rose Lamy. Le traitement des violences sexistes et sexuelles dans les médias pose problème. En 2019, la jeune femme crée un compte Instagram intitulé “Préparez-vous pour la bagarre”. Elle s’attache à diffuser le fruit de ses collectes : les propos sexistes et antiféministes véhiculés dans les médias. Deux ans plus tard, 200 000 personnes suivent son compte. De ces compilations, elle profite des confinements pour appuyer, documenter et chiffrer solidement ses propos dans un livre.  

Un champ lexical qui pèse ses mots 

Au cœur de son propos, la réticence dans les médias, à utiliser les termes appropriés, ou encore la projection d’images en décalage avec la réalité, lorsque l’on parle des accusés ou des victimes. « Une incapacité à conjuguer le sujet homme avec le verbe de leur violence », explique t’elle, interrogée par Kombini. Les violeurs deviennent des marginaux, fous, pauvres, avec un penchant pour l’alcool. Les victimes sont chosifiées, mises en cause, rendues, si pas coupables, actrice des violences qu’elles ont subies. Des individus qui se protègent publiquement entre eux, parce qu’ils sont des hommes, et de pouvoir. Des “femmes, victimes impossibles”, des “hommes, accusés impensables”. Un système inégalitaire dans lequel “un discours pèse parfois plus lourd que vingt”.  

Non, l’information ne s’arrête plus à la porte de la chambre à coucher. Non, le droit à la vie privée ne peut empiéter sur celui de liberté d’expression. Non, un viol ou un féminicide ne devrait pas être relégué à un fait divers, traité en périphérie des pages société. Rose Lamy en est convaincue. Pour elle, le traitement médiatique des violences sexistes et sexuelles en gomme le caractère structurel et “fondamentalement politique”.  

Rose Lamy, elle, ne pèse pas ses mots. “Si, en tant que militantes féministes, nous n’avons pas les moyens politiques et financiers, nous avons une profonde détermination à changer le monde. C’est une question de vie ou de mort. Littéralement,” écrit-elle. 

Hélène Decaestecker