Publicité dans les magazines : le piège calculé

Pourquoi faire de la publicité dans les journaux et magazines ? L’enjeu est avant tout économique. Un pacte relie publicité et journal de manière équilibrée : elle permet la visibilité chez l’un et un revenu important pour l’autre. Mais sous cet accord, il semble que l’appétit financier de certains dévorent l’information.

Journaux papiers ou publiés sur Internet, ainsi que les magazines, ont un point commun : la présence de la publicité dans leurs contenus. Si certains vivent entièrement grâce à la pub en rendant leur journal gratuit – 20 Minutes -, d’autres préfèrent s’en passer et compte sur leurs abonnements – Le Canard enchaîné ou Médiapart. Ce choix se reflète parfois dans la ligne éditoriale des opinions du papier, comme Mr Mondialisation qui n’utilise pas la publicité comme financement car le « think tank informel » se classe comme un média anticapitaliste.

Mais les enjeux financiers penchent souvent la balance en faveur de la pub, et c’est notamment le cas chez les magazines. Ces derniers ne comptent pas principalement sur les achats en kiosque mais sur une présence écrasante de la publicité dans leurs différentes pages.

Magazines : une pub omniprésente – au détriment du journalisme
Une de Marie Claire, couverture n°643 en mars 2006

Sur les 342 pages du numéro de mars 2006 de Marie Claire, environ 150 d’entre-elles sont consacrées à de la publicité payante, que ce soit en double page ou sur la page droite que les publicitaires chérissent tant. Sur un ancien site du Groupe Marie Claire, il y était inscrit que chaque page revenait à 33 000 euros. Parmi ces 150 pages, 107 sont destinées à l’affichage de produits de consommation : une publicité cachée et déguisée envers des marques diverses (mode, beauté, loisirs…). 

En retirant ces publicités, il ne reste que 85 pages. Mais si l’horoscope, l’ours ou autres insignifiances, ainsi que les 11 pages de promotion à la « rose de Marie Claire » et le dossier de 10 pages concernant les produits d’amincissants disparaissent, il ne reste que 48 pages, dont 8 pour les articles dits « people » et 7 autres pour un article contenant que de la photographie. En tout, ce sont alors 33 pages sur 342 proposant un travail journalistique pour le lectorat et non de la communication. Même chose du côté de Vogue. À l’occasion de son 120ème anniversaire, le magazine propose 916 pages dont 658 de publicité : un poids total de 2,4 kilos.

La présence publicitaire dans les magazines est un bon moyen de gagner un maximum d’argent. Dans les journaux papiers et web, l’intention est la même mais parfois plus discrète. Pour cela, différents types de pubs existent : la pleine-page, la demi-page, la quart de page, la 1/6 vertical ou horizontal. Si la presse s’est d’abord tournée vers l’impressionnante double page, le format change et se transforme en tabloïd ou demi-tabloïd, plus pratiques pour les lecteurs. Avec ce genre de format, la pub devient mineure pour laisser la place à l’information.

Une de Vogue à l’occasion du 120e anniversaire du magazine
Il était une fois la presse et la publicité

Dès 1789, la liberté de la presse est déclarée : tous les journaux publient alors des annonces. Plus tard, avec la censure de l’Empire, la presse devra publier des actes juridiques et civils jusqu’en 1836. Cette année-là, Emile de Girardin lance La Presse dont le but est de « vendre bon marché pour vendre beaucoup et inversement ». Afin d’y parvenir sans sacrifier la qualité, il ouvre des colonnes dédiées à des annonces commerciales. Les frais d’édition sont alors couverts partiellement par la publicité qui afflue vers les journaux à plus forte diffusion. 

Pages de la Presse avec quelques annonces commerciales

En 1890, Le Figaro – qui tire à 80 000 exemplaires – présente l’espace publicitaire la plus chère. Son lectorat est essentiellement composé de la bourgeoisie parisienne consommatrice de produits de luxe. La publicité représente alors 33% de ses recettes en 1892 et 37% en 1896. Peu à peu, la publicité s’implante dans la majorité de la presse. En 1906, elle fournit 25% de ses recettes au Parti Journal, qui tire à un million d’exemplaires : le plus fort tirage du monde à ce moment-là. 

Peu à peu, la publicité qui a connu les crises de la guerre se détourne de la presse quotidienne et s’intéresse d’avantage aux hebdomadaires et magazines. La durée d’action, la photographie en couleur et la spécialisation du lecteur en font des supports privilégiés. Pour la pub, cela devient une stratégie à étudier afin de placer les annonces dans les bons magazines qui toucheront un maximum de lecteurs. 

Depuis, la publicité est toujours présente dans la presse quotidienne mais bien moins omniprésente que dans les magazines. Certains assument l’absence de publicité comme Le Un et Le Canard enchaîné mais ils sont minoritaires.

Chloé Gomes