Hier l’ex-Premier ministre de François Hollande, Bernard Cazeneuve, a tenu une conférence d’une heure à l’Université catholique de Lille. L’occasion pour celui qui fut ministre de l’Intérieur de 2014 à 2016 de raconter les heures sombres passées à l’Hôtel de Beauvau, lorsque la France était frappée par une vague d’attentats terroristes.
Il est presque 18h45 quand Bernard Cazeneuve s’introduit par l’arrière de l’amphithéâtre bondé de la Faculté de droit. Il s’avance sobrement, en costume noir et cravate bleue, devant un auditoire debout qui l’applaudit chaleureusement. Interrogé par deux membres de l’association PolHiCult’, il est revenu sur les sujets qui ont marqué son mandat de ministre de l’Intérieur et qu’il détaille dans un livre Le Sens de notre Nation, dont il est venu faire la promotion.
2015 : en première ligne lors des attentats terroristes
Nous sommes quelques mois seulement après les attentats de Charlie Hebdo, de l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe à Montrouge et de la prise d’otage de l’Hyper Cacher, lorsque Bernard Cazeneuve présente une directive de lutte contre le trafic d’armes car il craint une attaque en masse, le matin du 13 novembre 2015. Il s’entretient quelques heures plus tard avec le préfet de police de Paris, entretien pendant lequel ils se confient qu’en cas d’attaque terroriste sur le territoire national, ils ne sauraient pas comment réagir. Quelques heures plus tard François Hollande est au stade de France lorsque les premières détonations signent le coup d’envoi d’une nuit d’horreur absolue, pendant laquelle Bernard Cazeneuve va être contraint de prendre de lourdes décisions.
Voilà le genre d’anecdotes auxquelles les étudiants ont eu le droit hier soir. L’ex-ministre du Budget s’est ainsi confié longuement sur sa gestion personnelle des attentats, son sentiment de chagrin face à l’effroi mais aussi à son « sens de l’Etat » qui l’a forcé à reprendre le dessus. Pour lui, « l’islamisme est un totalitarisme ». Il s’est expliqué sur les critiques qui lui ont alors été faites, et notamment sur la stigmatisation des musulmans. L’occasion de condamner l’indignité républicaine de ses détracteurs de droite mais aussi de gauche, qui lui reprochaient tour à tour son trop grand laxisme face aux fichés S ou au contraire ses choix jugés liberticides (comme les nombreuses perquisitions de domicile qui ont été faites chez des personnes soupçonnées de s’être radicalisé).
Autre grande thématique qui a été abordée hier soir, la Jungle de Calais. Un sujet pour lequel il s’est défendu d’avoir apporté une réponse française et européenne (augmentation du budget et des effectifs de Frontex, mise en place des hotspots) afin de répondre à la pression migratoire, devenue dès lors un véritable enjeu sécuritaire.

« Vous n’êtes que peu de chose face à la charge symbolique de la fonction »
Bernard Cazeneuve s’est ensuite exprimé sur son rapport aux médias, sa formation de juriste ou le rôle de « boussole » du droit en politique. Il a évoqué la médiocrité du débat présidentiel, avant de donner sa conception de la politique qui n’est pas selon lui un « art de la séduction » mais un « art de la conviction ». Il a répété son attachement au pluralisme politique, au respect, à la sincérité, la confiance et à l’abnégation nécessaire selon lui à tout politique qui a « le sens l’Etat » et qu’il résume en ces termes : « Vous n’êtes que peu de chose face à la charge symbolique de la fonction ».
Il s’est ensuite exprimé sur le rôle de « petit ragoteur du président », casquette qu’occupent souvent selon lui les ministres de l’Intérieur et dont il se targue de ne pas en être, avant d’adresser une critique à certains politiques qu’il considère être des séducteurs et des opportunistes.
Difficile de ne pas y voir une allusion au président Emmanuel Macron à qui il a adressé un petit tacle avec des mots qui n’ont trompé personne : « quand il [François Hollande] s’est rendu compte qu’il avait un ministre de l’Economie qui avait un peu d’ambition, il m’a parlé du sujet, je lui ai dit ce que j’en pensais. »
Une conférence qui s’est conclue par quelques moments forts de son mandat, avec le récit de la libération des otages de l’Hyper Cacher et qui s’est achevée par une séance de dédicaces.
Fleur Tirloy
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