Écrire pour Valeurs Actuelles, est-ce cela être journaliste ?

L’hebdomadaire est souvent décrié pour sa partialité, la propagation de thèses non vérifiées à la limite du complotisme et du manque de rigueur journalistique. Leurs scandales et l’orientation de leur ligne éditoriale ont fait la « célébrité » du magazine, mais est-ce représentatif du travail de la rédaction ?

« Nous, journalistes, dénonçons collectivement et fermement les méthodes employées par le journaliste de Valeurs Actuelles, qui a publié le 15 octobre un article intitulé « Retour de Sarkozy : les rendez-vous secrets des deux journalistes du Monde ». »

En 2014, le magazine paraît avec un article détaillant les rendez-vous entre Nicolas Sarkozy et deux journalistes en charge du suivi des affaires judiciaires du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Les deux hommes avaient été mis sur écoute selon Le Monde, ce qui bafoue le principe de la protection des sources.

Un communiqué que les rédactions du Monde, du Parisien, du Nouvel Observateur, du Point, des Echos, de Radio France, de Mediapart, de Rue89, de L’Express, de Libération, d’Europe1, de RFI ainsi que de TF1 rappellent l’essence de ce principe : « Nous tenons à rappeler qu’il n’y a pas de sources sans protection des sources. Qu’il n’y a pas d’information libre sans sources. Que c’est la démocratie qui est menacée quand il n’y a plus d’information libre. »
Peut-on être journaliste en mettant de côté les valeurs profondes du corps de métier pour un article ?

Les polémiques avant l’information

Les plumes de Valeurs Actuelles sont souvent accusées de faire enfler des polémiques à la Fox News pour complaire à un public d’extrême droite. La montée en épingle de sujets portant à débat s’est déjà fait dans l’histoire du magazine au détriment de la vérification des sources. En mars 2021, un « faux » professeur avait piégé la rédaction de Valeurs Actuelles en prétendant être un enseignant dans un établissement classé « REP » de la ville de Strasbourg. Selon ses dires, des élèves musulmans l’auraient menacé après qu’il a évoqué la laïcité et la Shoah pendant un cours. L’hebdomadaire titre alors le 30 mars « À Strasbourg, le cri d’alerte d’un professeur face à la pression communautaire qui sévit dans son lycée ». Le faux professeur révèle la supercherie et la rédaction est obligée de s’excuser.

Une de Valeurs Actuelles du 28 novembre 2019 « La Terreur Vegan »

Les Unes de Valeurs Actuelles sont aussi régulièrement « exagérées » au regard de la menace dénoncée. C’est le cas de la Une du 12 mars 2020 intitulée « Comment les féministes sont devenues folles ? » et celle du 28 novembre 2019 sur « La Terreur vegan ». Des accusations d’éditorialisme sont souvent proférées à l’encontre des rédacteurs. Le 28 août 2020, Valeurs Actuelles publiait dans ses pages un article qualifiable de raciste avec comme illustration une représentation de la députée de la France Insoumise, Danielle Obono en esclave, chaînes au cou. En 2015, le magazine avait été condamné deux fois dans la semaine pour provocation à la discrimination. Les condamnations portaient sur une Une de septembre 2013 qui avait pour intitulé « Naturalisés. L’invasion qu’on nous cache avec une Marianne voilée et l’autre épinglait un dossier sur les Roms, appelé en Une par le titre « Roms. L’overdose ».

Une de Valeurs Actuelles du 28 mar »Comment les féministes sont devenues folles »

L’arbre des scandales qui cache la forêt d’articles sérieux

Valeurs Actuelles reste dans l’esprit collectif très associé à ses prises de position extrêmes et ses Unes outrageuses. C’est de cela dont on parle souvent quand on évoque le magazine. Mais une grande partie des articles qui remplissent les pages du titre de presse sont sérieux d’un point de vue journalistique et centrés autour d’une information vérifiée. Dans l’édition de la deuxième semaine de janvier 2022, parmi les six premiers articles présents sur le site web du magazine, deux sont une critique d’Emmanuel Macron mais fondés sur des faits vérifiés, un concerne la campagne de Valérie Pécresse et un autre celle de Marine Le Pen. L’article suivant défend la politique du Ministre Gérald Darmanin et un dernier sur deux églises de Seine-Saint-Denis cambriolées.

Il s’agit d’un travail journalistique mais qui ne montre qu’une partie de la vérité. Ils sont orientés, voire très orientés, mais cela ne peut être un reproche en soi. C’est le principe d’une ligne éditoriale bien que le concept soit poussé jusqu’à sa limite. La rédaction prend la responsabilité de sa ligne éditoriale. Son sous-titre le prouve même : « le magazine de la droite qui s’assume ». Libération et Le Fogari sont des titres de presse d’opinion et font partie des journaux les plus reconnus des kiosques français. 

Le paysage de la presse a besoin d’une variété de titres qui représente la variété des lecteurs. C’est d’ailleurs un signe de bonne santé démocratique.

Margaux Verdonkt