“Comment allez-vous vous défendre si vous êtes si lents à défendre l’Ukraine”

Il est devenu clair que l’hypothèse d’une opposition militaire directe avec la Russie s’estompe. Alors que la liste de cartes à disposition des occidentaux pour intimider Vladimir Poutine s’amenuise, le bluff devient de moins en moins efficace. De tous les recours économiques, le plus terrible agité par les protecteurs de l’Ukraine est le bannissement des banques russes de système Swift. Les gouvernements hésitent, discutent, quand les chars, eux, avancent. 

Artis Pabriks, ministre de La Défense letton, Crédit, Publicitātes

Artis Pabriks, interviewé par la BBC : « chaque minute, chaque heure que l’on passe en conseil ou meetings, des Ukrainiens meurent pour défendre leur liberté » : le manque d’efficacité de certains États européens dans l’action pèse sur la souffrance du peuple ukrainien. Pour le ministre de la Défense letton, il faut sans plus attendre bannir la Russie de Swift. La Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) est le système de paiement international des banques. Le bannissement d’un État de ce système est considéré par Forbes comme une « option nucléaire » économique. En 2014, alors que la Russie envahissait la Crimée, le ministre de l’Économie russe Alexei Kudrin estimait que son PIB chuterait de 5% par an en cas d’activation de la menace. Hier, le ministre des Affaires Étrangères ukrainien Dmytro Kuleba tonnait : « toute personne qui hésiterait sur le bannissement ou non de la Russie de Swift aura aussi le sang innocent des hommes, femmes et enfant ukrainiens sur les mains ». Partout dans le monde, dans les manifestations pro-Ukraine, des slogans « ban Russia from Swift ». 

Comment allez-vous vous défendre si vous êtes si lents à défendre l’Ukraine ?

Volodymyr Zelensky

L’indécision européenne agace Volodymyr Zelensky. Adaptées aux temps de paix, les institutions européennes semblent montrer leurs limites lorsque des décisions drastiques et rapides doivent être prises. Les divergences s’expliquent notamment par la position de l’Italie, de l’Allemagne ou de la Hongrie. Ces États, dépendants au gaz russe, se refusent à exclure de Swift la Russie, mettant dans la balance les complications dans le paiement de la « facture de gaz ». De l’autre côté de l’Atlantique, Joe Biden « n’exclut aucune possibilité ». 

Emmanuel Macron quant à lui parlait hier de sanction « à la hauteur » des crimes du régime russe. Pourtant, dans les faits, si les sanctions appliquées à Moscou par la Commission Européenne sont « sans précédent », elles ne sont pas à la hauteur de l’invasion unilatérale d’un territoire souverain allié de l’Union. Ce vendredi à 14h30, le président exerçait l’article 18 de la Constitution en s’adressant au Parlement par l’intercession de M. Richard Ferrant à qui il prêtait sa voix – ce afin de respecter la stricte séparation des pouvoirs. Par cette allocution, Emmanuelle Macron rappelle son soutien à l’Ukraine, et les devoirs de la France en tant que membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU et président de l’Union Européenne… ”Parole, Parole, Parole”. Il repousse les débats parlementaires au mardi 1er mars, quand tout sera peut-être fini.

Si vous avez une expérience du combat […] vous pouvez venir dans notre pays pour défendre l’Europe.

Volodymyr Zelensky

Pendant ce temps, ce sont des scènes apocalyptiques auxquelles assiste le peuple ukrainien : distribution d’armes aux volontaires, survol du territoire à basse altitude d’hélicoptères et d’avions russes, bombardement intempestifs… Le président ukrainien appelle même les combattants expérimentés de toute l’Europe à venir défendre la liberté sur son territoire. Si les interventions militaires officielles ne se produisent pas, l’exclusion Swift de la Russie semble la dernière carte capable de faire flancher Vladimir Poutine. Le gouvernement français n’est pas de ceux qui « font part de réserve » à l’idée de bannir la Russie du système de paiement. Les intérêts économiques surpasseront-ils le jeu des alliances?

Marin Daniel-Thezard