En Russie aussi, l’opposition tente de faire front contre la répression

Samedi 26 février, plus d’un millier de personnes se sont rassemblées place de la république à Lille, en soutien à l’Ukraine et contre Vladimir Poutine

Dès le début de l’offensive Russe contre l’Ukraine, le 24 février, des milliers de Russes ont affiché leur hostilité aux agissements de leur dirigeant, Vladimir Poutine. Si les opposants au régime n’ont pas attendu cette guerre pour protester, les mobilisations récentes sont d’une ampleur considérable, en dépit des risques encourus.

Je suis Russe et je suis contre le gouvernement et ses actes”, affirme une jeune femme. A Lille ce samedi, plus d’un millier de personnes se sont rassemblées place de la République. Ils étaient plus de 20 000 dans toute la France à se réunir pour montrer leur soutien au peuple Ukrainien, depuis l’invasion du pays par Vladimir Poutine, jeudi 24 février. Ukrainiens, Polonais, Français, des personnes issues de nombreuses nationalités étaient présentes, y compris des Russes, en désaccord avec la politique du Kremlin.  En Russie aussi, les voix tentent de s’élever. La stupéfaction a laissé place à la mobilisation.

Une mobilisation inédite

Bien qu’éparses et désorganisés, les mouvements citoyens d’opposition sont bien là en Russie. D’une ampleur encore difficile à évaluer, ils illustrent le déchirement de la population et en disent long sur la désinformation et la répression qui règne en Russie. Cinq mille neuf cent trente-cinq personnes personnes ont été arrêtées, entre la 24 et le 27 février dans plus de soixante-dix villes de Russie, selon l’ong OVD-Info. A Rostov-sur-le-Don, ville russe proche de la frontière avec le Donbass, l’histoire d’une manifestante à fait le tour des réseaux sociaux. Elle a été condamnée à huit jours de prison pour “désobéissance à la police“ après s’être affichée, seule, dans la rue, avec une pancarte blanche. Un slogan invisibilisé, tout comme la guerre, qui est très peu relayée en Russie. La désinformation régne autant que la répression. Textes, tribunes et pétitions sont aussi un moyen (moins frontal mais moins risqué) d’afficher sa position. Des centaines de bouquets ont également été déposées devant le bâtiment de l’ambassade d’Ukraine à Moscou depuis jeudi dernier, une alternative contre laquelle les autorités Russes ne peuvent pas encore grand-chose.

Au péril de leur libertés

Risquer leurs libertés et même leur vie pour protester contre ceux qui, de l’autre côté des frontières, en prennent d’autres. C’est le choix de nombreux Russes. A Saint Petersburg, 400 personnes se sont rassemblées dimanche dernier, dans le centre-ville, pour faire savoir leur opposition au conflit en cours. Le Militant anticorruption et ennemi du Kremlin, Alexeï Navalny, en a lui, déjà payé le prix de sa liberté. Incarcéré depuis janvier 2021, l’homme qui comparaît depuis plusieurs jours devant un tribunal, suite au démentélement de son mouvement anti gouvernement l’année dernière, s’est exprimé à cette occasion. “Je pense que cette guerre entre la Russie et l’Ukraine est menée pour dissimuler le vol des citoyens russes et détourner leur attention des problèmes qui existent à l’intérieur du pays, de la dégradation de l’économie”, entend t’on dans une vidéo publiée par la chaîne d’opposition Dojd la semaine dernière.

De leurs côtés, les réactions des puissants oligarques du pays restent prudentes mais mitigées, au vu, notemment des conséquences des sanctions économiques internationales sur leurs fortunes. Les  positionnements de certains laissent ainsi planer des incertitudes sur la tournure que pourrait prendre le conflit. 

La rue plus forte que la censure?

Face à des protestations grandissantes, le pouvoir Russe réagit. Le ministère de l’Intérieur, le parquet et le Comité d’enquête russes ont averti la population des risques qu’ils encourraient en cas de mobilisation. Le ministère de l’Intérieur a prévenu que les rassemblements seraient « illégaux » et que la police « prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer l’ordre public« .  De son côté, le président Russe, Vladimir Poutine, scande un discours qui justifie ses actes, en accusant Kiev de menace la Russie. Des propos enracinés au sein d’une partie de la population, renforcés par la répression physique et intellectuelle.

Hélène Decaestecker