Droit à l’oubli : la fin de la “double peine” pour les anciens malades du cancer

Pour contracter un emprunt, les anciens malades peuvent se voir appliquer des surprimes ou exclusions de garantie. Les parlementaires viennent de voter une loi pour modifier le délai du droit à l’oubli pour les emprunteurs. 

C’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron : réduire de dix à cinq ans le délai du « droit à l’oubli » pour les prêts accordés aux anciens malades du cancer et de l’hépatite C. Une nouvelle loi, votée le 17 février, va permettre aux patients en rémission, de ne plus déclarer leur maladie lors d’un emprunt.

En 2016, l’association Rose Up avait déjà obtenu la réduction du délai. Celui-ci passe donc à 5 ans pour tous les cancers et l’hépatite C dès la fin du protocole thérapeutique (plus d’opérations, radiothérapie ou médicaments). La législation prévoit aussi de supprimer le questionnaire demandé pour obtenir des prêts inférieurs à 200 000 euros ou quelconque information concernant l’état de santé du demandeur.

La fin du « casier judiciaire cancer »

Les associations saluent « un vote historique ». « Les anciens malades pourront effacer ce « casier judiciaire cancer », aussi redouté que la maladie elle-même », se réjouit Josette Mouly, présidente de la Ligue nationale contre le cancer dans la Somme. « Un pas vers la fin de la “double peine”», continue-t-elle.

« Au bout de cinq ans, on est déclaré guéri s’il n’y a pas eu récidive », explique Sylvie, diagnostiquée d’un cancer du sein en 2007.Aujourd’hui rétablie, elle continue pourtant d’en subir les conséquences. Estimant qu’elle souffrait d’une injustice et ne voulant pas payer des taux d’assurance plus élevés, elle a choisi de ne jamais déclarer son cancer.

Sylvie en 2007 avec ses trois filles

En 2013, elle déménage à Angers et achète une maison avec son mari. Pour l’emprunt, elle doit se faire ausculter par un médecin, une consultation qu’elle a refusée. « Il m’aurait fait me déshabiller, aurait vu mes cicatrices et mon sein en moins », partage-t-elle. La conséquence ? Si elle était décédée ou retombée malade, son époux n’aurait pu récupérer l’argent de l’assurance ou aurait eu des problèmes. En plus de cela, alors qu’elle recherche un nouvel emploi, pourtant guérie, elle n’évoque pas son cancer. “C’est un signe de faiblesse donc tu n’en parles pas”, souffle-t-elle.

Un chemin inachevé  

Malgré ces avancées, demander un prêt important après un cancer relève du parcours du combattant. « Les projets de vie ne s’arrêtent pas à l’achat immobilier par exemple. Une personne guérie d’un cancer devrait pouvoir reprendre ses études, retrouver son emploi sans aucune discrimination » rappelle Josette Mouly.

Mais ce n’est pas tout. Par mesure de précaution, les personnes ayant souffert d’un cancer ne peuvent pas faire de don du sang, ni d’organes. « On m’a dit : “ vous ne pourrez jamais donner votre sang, parce que vous êtes porteuse du gène du cancer” », témoigne Sylvie. La Maison du don de Lille se défend en expliquant « qu’il faut veiller à la santé du donneur, mais aussi éviter que d’éventuelles cellules cancéreuses soient transfusées au patient ». Il faudra attendre le 2 juin prochain pour que ces mesures soient appliquées. 

Claire Boubert et Margaux Chauvineau