Quand la guerre d’Ukraine affecte le monde musical : le cas Sokhiev

Il avait tout pour réussir et pourtant, il a décidé de mettre en suspens son activité. Le chef d’orchestre Tugan Sokhiev a annoncé dimanche dernier au sein d’un communiqué, qu’il quittait l’entièreté de ses fonctions, à savoir ses postes de chef d’orchestre à Moscou et à Toulouse. Le motif ? Le maestro se dit victime de la « culture d’annulation ».

Un maestro à la renommée mondiale

Né le 21 octobre 1977 à Vladikavkaz, en Ossétie du Nord, Tugan Sokhiev a su accumuler de la notoriété au fil des années. En 2000, il remporte le 1er prix du concours international Prokofiev. Par la suite, il a dirigé les plus grands orchestres philharmoniques comme celui de Londres, Munich, Oslo ou encore celui de Stockholm. Il devient rapidement une référence dans le domaine. Les critiques à son encontre sont excellentes.

En 2003, il est nommé premier chef invité et conseiller municipal par la ville de Toulouse. Il devient par la suite directeur musical de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, un poste qu’il a obtenu en 2008 et qu’il a occupé jusqu’à dimanche dernier, alors qu’il occupait également le poste de directeur musical du Bolchoï depuis 2014.

Tugan Sokhiev qui dirige la 5ème symphonie de Tchaikovsky en Mi mineur (source : Medici.tv / YouTube)

Un « ambassadeur de la paix » victime de son amour pour deux mondes

Alors qu’il ne s’était pas encore prononcé au sujet du conflit russo-ukrainien, Tugan Sokhiev a finalement opté pour la démission. Une décision prise à contre cœur mais qu’il juge nécessaire, puisque le métier de musicien ne peut concorder avec un contexte aussi grave que celui de la guerre : « Nous, musiciens, sommes là pour rappeler à travers la musique de Chostakovitch les horreurs de la guerre. Nous, musiciens, sommes les ambassadeurs de la paix ».

Sa révérence fait d’autant plus mal au cœur du fait qu’elle est uniquement due à son attachement pour la ville rose et pour la musique russe. Le maestro ne se voyait pas choisir entre deux mondes auxquels il est terriblement attaché : « Face à l’option impossible de choisir entre mes musiciens russes et français bien-aimés, j’ai décidé de démissionner de mes fonctions ».

La crainte du maestro pour l’avenir de la musique

Le communiqué de Tugan Sokhiev comporte un paragraphe qui se détache des autres. Il ne traite pas de l’attachement personnel du chef d’orchestre pour la musique française ou russe, ni pour ses sentiments personnels. Il traite d’un problème bien plus global : la situation des musiciens en moment de guerre.

Le maestro a peur pour l’avenir de la musique, message universel d’amour et de paix. Au lieu de cela, le Russe craint que la musique ne soit divisée à cause des tensions diplomatiques : « Au lieu de nous utiliser et notre musique pour unir les nations et les gens, nous sommes divisés et ostracisés. ».

Communiqué Facebook de Tugan Sokhiev (source : Facebook)

On ignore encore quand le maestro russe reviendra sur le devant de la scène. En attendant, il a affirmé à la fin de son communiqué qu’il continuerait de soutenir, en tant que musicien, l’intégralité des artistes des deux institutions. Une position fortement saluée par les amoureux de la musique.

Romain LESOURD