Salon de l’Agriculture : politique des territoires ou territoire des politiques ?

Le Salon international de l’Agriculture est devenu un événement mondial incontournable. Mais plus que de mettre en valeur, le savoir-faire agricole, il est surtout devenu au fil des années le théâtre des plus beaux spectacles politiques. Retour sur ces 58 ans d’existence.

Jacques Chirac au salon de l’Agriculture le 28 février 2004
Crédit : PATRICK KOVARIK / AFP

C’était le 9 mars 1964. Sur impulsion du ministre de l’Agriculture de l’époque, Edgard Pisani, le Centre national des expositions et concours agricoles (CENECA) organise le premier Salon de l’Agriculture. Considéré comme « la plus grande ferme de France », l’événement est un rendez-vous incontournable avec plus de 600.000 visiteurs chaque année, et 1000 exposants.

Mais la caractéristique la plus intéressante du Salon est sans nul doute l’intérêt jamais démenti des responsables politiques, plus encore lorsqu’ils sont en campagne. Présidents de la République, ministres, candidats, syndicats, opposants… Tout le monde en est à sa petite virée dans la verdure parisienne.

Des hauts et débats

Le maître incontesté de l’exercice est sans nul doute Jaques Chirac. Ce monstre de chair venu tout droit de Corrèze pouvait y passer des heures entières à tâter le cul des vaches et à gouter tous les produits régionaux. On se souviendra de lui comparant les vaches de « chefs-d’œuvre ». Jean Lassalle également, fervent défenseur de la cause rurale donnant le la aux chants régionaux ou, cette année, s’adonnant au paquito.

Si certains ne s’en sortent pas trop mal, d’autres payent de leur personne. Représentants de la France profonde, parfois oubliés souvent déçus, les agriculteurs ne sont pas en reste pour montrer leur mécontentement. A l’instar de l’ancien Premier ministre Manuel Valls traité de « petit zizi », d’Emmanuel Macron qui se voit recevoir des œufs frais.

Une formidable « caisse de raisonnante médiatique » aussi d’après le sociologue François Purseigle. Réussir son Salon est gage d’une bonne opinion publique. On se souviendra notamment du passage tonitruant de Nicolas Sarkozy, virulemment interpelé par un visiteur auquel il a interjeté son célèbre « casse-toi pauv’ con ». Jean-Marie Le Pen aussi chantant l’arrivée des « gauchos » juste avant lui.

Une vitrine politique ?

Au fil des ans, le Salon de l’Agriculture est ainsi devenu le terrain incontournable des politiques. D’abord pour le rapport électoral important que constitut le monde paysan. Aujourd’hui, il s’agit d’un des secteurs les plus influents de France avec ses puissants syndicats que sont la FNSEA et la Confédération paysanne. Déjà lors des mandats Jacques Chirac, il avait été instauré la cogestion des dossiers agricoles entre le ministère et le syndicat. Aussi, faut-il rappeler que pour le scrutin présidentiel de 2022, seuls 45% des agriculteurs pensent aller voter, contre 65% dans toute la population. Un électorat qui se désengage.

Ensuite, parce que le Salon de l’Agriculture permet à la France de faire resplendir sa richesse en matière d’alimentation et de consommation. Il s’agit en effet de la plus enviée des aides européennes reçues par l’Union européenne, la politique agricole commune (PAC), premières ressources des agriculteurs français. Une agriculture puissante pour un pays puissant.

Benjamin Grischko