Clients de la prostitution à Lille : qui sont-ils ? (Partie 2)

Les raisons qui les poussent à l’acte, leurs expériences de vie, leur éducation… Peu d’information sur les clients de la prostitution circule. Pourtant, ils sont les principaux concernés par la loi de 2016 qui les pénalise. Une loi dont le but est de protéger les personnes prostituées. Mais elle est accompagnée de très peu de travail d’éducation et de sensibilisation.

La législation autorise l’acte de prostitution mais interdit concrètement tout ce qu’il y a autour. Le proxénétisme, le racolage, les maisons closes et donc le fait d’être client. « La conception actuelle du droit français considère la personne qui se prostitue comme une victime. Celui en face est forcément auteur » détaille Maître Honegger. Le but est donc de protéger la prostituée en empêchant les clients d’y avoir recours. La sanction est une amende de 1500€. Mais dans les faits, cette législation aggrave la condition des prostituées plutôt qu’elle ne l’améliore. Selon le rapport de Médecins du monde, qui a interrogé plus de 70 prostituées entre juillet 2016 et février 2018, 63% d’entre elles ont vu leur qualité de vie se détériorer au cours de ces deux années. Maître Honegger analyse : « La prostitution est de plus en plus cachée et les clients moins nombreux. Elles sont prêtes à le faire dans des conditions qui sont moins bonnes. La loi donne plus de marge de manœuvre aux hommes. Il y a aussi moins de contrôle et de surveillance. » Les prostituées manifestent régulièrement contre cette loi qu’elles jugent préjudiciable. Certaines réclament un véritable statut. Résumé grossièrement, que la France soit un pays réglementariste et non abolitionniste. Car mettre fin à la prostitution ne passe pas par le tout répressif.

Les autres moyens pour empêcher les clients

Peu de chose est organisée pour empêcher les clients d’avoir recours à la prostitution. Le Mouvement du nid s’occupe essentiellement des travailleuses. L’association réglementariste Entr’actes, à Lille, œuvre sur le terrain mais a refusé de s’entretenir pour cette enquête. Seuls les stages de sensibilisation organisés par Camille Pollin ont pour objectif de faire évoluer les mentalités. Ils sont mis en place par la SCJE (Service de Contrôle Judiciaire et d’Enquêtes), située ironiquement avenue du Peuple-Belge. Cette association prend en charge les auteurs de différentes infractions. Donc les clients des prostituées. L’objectif de ce stage de trois demi-journées est d’éduquer et non de moraliser. « Je vais travailler sur ce qu’ils pensent de la prostitution et déconstruire l’image qu’ils en ont » détaille la contrôleuse judiciaire. Elle est en relation avec les forces de l’ordre lilloise : quand un client est pris sur le fait, il a le choix entre l’amende de 1500€ ou la peine de stage. Camille Pollin explique : « C’est une alternative aux poursuites. Ils doivent obligatoirement se présenter au stage, participer à l’intégralité et ils ne sont plus poursuivis. » Sauf s’ils ne respectent pas ces termes. Et il n’y a pas de deuxième chance. La prochaine fois, ça sera l’amende.

« S’ils y retournent, ils y vont en pleine conscience des choses »

Concrètement, ce moment s’articule autour d’un temps de sensibilisation, à travers un film tourné par le Mouvement du nid, le témoignage d’une personne issue de la prostitution, et de plusieurs débats où « les clients échangent entre eux. » Est-ce que ça marche ? « On ne sait pas les résultats. On ne les recontacte pas. S’ils y retournent, ils y vont en pleine conscience des choses. » Mais Camille Pollin assure que la plupart en ressortent sensibilisés. Problème : elle est la seule à aborder la question dans la métropole. Elle regrette d’ailleurs que ce principe ne soit pas étendu à d’autres publics. Depuis 2018, elle n’a organisé que 7 à 8 stages avec une dizaine de personnes. Sachant qu’ils choisissent presque tous cette journée et demie de sensibilisation plutôt que l’amende… « Je ne sais pas s’il y a peu de clients ou peu de contraventions » admet Camille Pollin.