Quatorze millions d’Indiens vont au cinéma tous les jours !

De Bollywood à Slumdog Millionaire, le cinéma indien est encore un mystère en Occident. En Inde, le septième art est roi. Implanté dans la vie de tous les jours, il va au-delà d’un simple divertissement.

Que connaissons-nous du cinéma indien ? Lorsque l’on évoque Inde et cinéma, le premier film qui arrive dans l’esprit des Français est Slumdog Millionaire. Un long-métrage au succès international, qui à travers un célèbre jeu télévisé raconte l’histoire d’un jeune enfant indien dans les bidonvilles. Cependant, Slumdog Millionaire est une production britannique. Même s’il s’agit de l’adaptation d’un roman indien et que des acteurs indiens figurent au casting, Slumdog Millionaire n’est pas du cinéma indien. Autre élément, beaucoup de gens résument la culture du cinéma indien à Bollywood. Bollywood est souvent étiqueté comme le cinéma indien. Une affirmation généralisée qui est loin de la réalité.

Le cinéma indien est unique. En Europe, nous ne sommes pas les plus grands consommateurs de ces films puisqu’ils touchent principalement son propre pays. Ce qui est déjà impressionnant pour un pays de 1,38 milliards d’habitants. Il faut savoir que le cinéma indien est une production titanesque. L’Inde est le premier producteur de films au monde, près de 1000 films sortent par an, dans 13000 salles de cinéma pour 30 millions de spectateurs chaque jour. L’influence du cinéma indien réside aussi dans sa diversité à travers les états et les langues, car en Inde, au sein des 29 états et des sept territoires, il y a 22 langues officielles et 1652 dialectes. Malgré toutes ces différences, tous les Indiens peuvent trouver quelque chose à apprécier sur le grand écran.

Une histoire indienne qui démarre en France

Paradoxalement, l’histoire du cinéma en Inde a commencé en France. Pour cela, il faut remonter au 28 décembre 1895, lors de la première projection publique des Frères Lumière à Paris. Cette projection a ensuite été amenée en Inde par l’opérateur Marius Sestier. Le 7 juillet 1896, à Bombay, six courts-métrages des Frères Lumière sont projetés, dont le célèbre film « Arrivée d’un train à La Ciotat ». Un film qui a conquis les le cœur des Indiens.

En Inde, le cinéma arrive avec Dadasaheb Phalke en 1913. Phalke est considéré comme le pionnier de l’industrie cinématographique indienne et un érudit des langues et de la culture de l’Inde. Il a réalisé et conçu le film qui est considéré comme le premier film indien : Raja Harishchandra, un long-métrage historique en marathi. À l’époque, les personnages féminins étaient joués par des hommes, le cinéma étant une profession interdite aux femmes. Le film, que le réalisateur a lui-même porté de village en village, a connu un énorme succès. L’histoire du cinéma indien commence alors. Dans les années 1920, de nouvelles sociétés sont créées et de nouveaux réalisateurs commencent à s’imposer.

Son émergence se reflète dans son propre style. Les phénomènes sociaux et les épopées fantastiques résument le contenu majoritaire de ce cinéma. Et ce qui va marquer un tournant pour le cinéma en Inde, c’est l’arrivée du cinéma parlant. Le 14 mars 1931, le film Alam Ara sort au Majestic Cinema de Bombay. Réalisé en hindi, le film est accompagné de sept chansons.

La naissance de Bollywood

Le film inspire grandement l’avenir du cinéma indien, qui explose dans les années 1940 avec des producteurs indépendants qui seront à l’origine de ce qu’on appelle Bollywood. Bollywood est la contraction de Bombay et Hollywood en référence évidente aux productions des Etats-Unis. Ses origines dans la première partie du XXème siècle n’empêchent pas ce style de devenir vraiment populaire à partir des années 1970.

Ce qui caractérise Bollywood, c’est avant tout la danse, le chant, la multiplication des couleurs et les chorégraphies qui rythment le spectacle. En plus du visuel, les films sont surtout tournés vers le sentimental, avec un développement très profond des émotions. On les ressent dans une histoire d’amour où la famille joue un rôle important dans l’évolution de la relation. Ces films confrontent même l’Inde traditionnelle et moderne, souvent à travers la même famille ou entre les générations. Les films de Bollywood sont devenus un genre cinématographique indien mondialement connu et sont diffusés non seulement en Inde, mais aussi dans les pays voisins, et ont même rencontré un certain succès en Chine. Certains d’entre eux atteignent même l’Europe ou les États-Unis, comme Lunch Box ou Lagaan.

L’exportation internationale du cinéma indien

Bollywood désigne à l’origine les films en langue hindi de Bombay. Les comédies musicales masala sont généralement le genre de film que l’on résume par le nom de Bollywood. Cependant, il y a comme dans de nombreux styles de cinéma national et connu dans le monde entier. D’autres films sont également très connus dans le monde entier, grâce aux réseaux sociaux notamment comme la comédie Singham. Cette mondialisation est perceptible au moment des grands prix mondiaux des années 2000. Monsoon Wessing a remporté un Lion d’Or au Venice Film Festival en 2001, Lagaan a été nommé pour l’Oscar du meilleur film international la même année, ou encore Devdas qui a été présenté au Festival de Cannes en 2002.

Revenons en Inde, où le cinéma est populaire, mais ne se limite pas à être un simple style artistique. Il fait partie du mode de vie indien. Le cinéma déchaîne les passions. En moyenne, on estime que 14 millions d’Indiens vont au cinéma chaque jour. Les acteurs sont des héros, des légendes qui sont vénérés quotidiennement. Une fois que vous êtes assis, les spectateurs ne sont pas seulement des spectateurs. Ils sont presque acteurs, ils participent à donner vie au film. Ainsi, les scènes et les émotions sont amplifiées. Toute la salle vit, commente le film, accueille le héros de manière triomphante, hue le méchant. Lorsque vous prenez place au cinéma en Inde, vous vivez le spectacle que vous êtes venu voir. C’est ça, le cinéma indien.

Louis Havet