Claire Lejeune : « on n’arrivera pas à bouger quoi que ce soit en termes d’écologie si on ne parle pas de justice sociale »

Figure des marches pour le climat, Claire Lejeune, militante écologiste, a quitté Europe Écologie-Les Verts (EELV) en janvier dernier pour rejoindre les membres de l’Union populaire, au côté du candidat de La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon. Rencontre. 

Claire a 27 ans. D’abord engagée en politique pour des raisons écologiques, la question sociale la préoccupe toujours : « mon père est ouvrier donc je n’arrive pas à déconnecter de mon esprit les questions écologiques et sociales. On n’arrivera pas à faire bouger quoi que ce soit en terme d’écologie si on ne parle pas de la justice sociale ». Celle qui a soutenu Eric Piolle au premier tour de la primaire écologiste, et Sandrine Rousseau au second, n’a pas voulu poursuivre avec Yannick Jadot : « tendre un tract en 2022 ce n’est pas rien . Il y a un tel dégoût de la politique que je me voyais mal tracter et faire campagne pour quelqu’un en qui je ne croyais pas. De plus, la campagne de Yannick Jadot n’est pas construite pour gagner ». 

Le choix de la radicalité

Mais si Claire a changé de « bord » c’est aussi parce qu’elle n’a pas la même vision écologiste que le candidat Yannick Jadot, elle ne retrouve pas en lui la radicalité dont elle a besoin : « il ne dit pas clairement dans son programme que son projet devra passer par une désobéissance vis-à-vis des instances européennes. Le rapport de force nécessaire pour assurer cette transformation n’est pas assumé chez les Verts alors qu’il l’est de manière beaucoup plus claire chez LFI. » Actuellement thésarde à Sciences Po Paris sur le thème de la planification écologique, elle accorde ainsi une grande importance à la faisabilité et à la radicalité vis-à-vis de l’écologie : « pour que cela marche il faut que le candidat soit clair avec le fait que l’écologie est incompatible avec le capitalisme ». Le choix de la radicalité a donc été pour Claire celui de Jean-Luc Mélenchon. Elle croit en son programme : « il est extrêmement abouti, c’est le plus complet. »

L’écologie, une question de gauche ? 

Selon Claire, comme la justice sociale et l’écologie ne font qu’un, cela veut-il dire que la question de l’écologie ne peut être portée que par un candidat de gauche ? Qu’en est-il des Verts allemands plutôt de droite ? Pour elle, leur politique n’est pas celle qu’elle a envie de porter : « ils font des alliances qui vont jusqu’à la droite, avec un libéralisme problématique si on veut vraiment changer les choses ».  Ce qui différencie, selon elle, la France des autres pays comme l’Allemagne, c’est que l’histoire de l’écologie politique dans l’hexagone s’est toujours ancrée dans des luttes (contre le nucléaire, les OGM) et de la désobéissance civile : « je pense qu’on n’arrivera pas à changer significativement les choses si on n’a pas un mouvement populaire, ce qui implique d’aller chercher les classes populaires qui s’abstiennent aujourd’hui. On va avoir besoin de tout le monde pour faire changer les choses et créer un rapport de force avec les multinationales, les lobbies, l’Union européenne. »

Tant qu’on aura la croissance, la compétitivité comme boussoles on n’y arrivera pas. Ce qui doit guider la décision politique, c’est les besoins de l’intérêt général humain

Claire Lejeune, militante écologiste et membre de l’Union populaire

L’écologie et la politique : compatible ? 

Nombreux sont ceux qui pensent, au vu de l’inaction politique au sujet de l’écologie, que c’est le peuple et son pouvoir d’achat qui feront changer les choses. Claire, elle, s’y refuse : « je pense que tout part de la politique, de ce qu’on décide de faire collectivement. Par exemple la taxe carbone, elle n’a pas marché car les classes précaires ont été contre car leur voiture est le seul moyen de transport qu’ils ont pour aller travailler. C’est donc à nous de penser un système où ça devient simple pour tout le monde ». Selon la militante écologiste, la Convention Citoyenne pour le Climat — vivement critiquée par son inefficacité — est le parfait exemple que le changement démocratique doit s’accompagner d’un changement écologique : « si elle a été un échec, c’est parce que le système que nourrit Emmanuel Macron est incompatible avec le changement écologique, parce qu’il est le représentant d’une forme d’économie qui a intérêt au statut quo. Des changements voudraient dire taxer les riches, faire toute une série de choses qui vont desservir les intérêts économiques. » Claire est sans appel : « tant qu’on aura la croissance, la compétitivité comme boussoles on n’y arrivera pas. Ce qui doit guider la décision politique, c’est les besoins de l’intérêt général humain ».

Honorine SOTO