Un héritage, deux héritiers : comment Nathalie Arthaud et Philippe Poutou revendiquent l’héritage de Trotsky ?

On a fustigé les divisions de la gauche. Mais a-t-on vraiment considéré les divisions de sa frange révolutionnaire ? Car en 2022, comme en 2012 et en 2017, ce n’est pas un mais bien deux candidats qui s’en revendiquent : Philippe Poutou, du Nouveau Parti Anticapitaliste d’une part, et Nathalie Arthaud, du parti Lutte ouvrière d’autre part. Si la candidate admet une certaine proximité avec le NPA « sur la base idéologique », elle souligne néanmoins des « différences de stratégies ». Alors Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, est-ce vraiment un même combat ?

Philippe Poutou et Nathalie Arthaud partage un idéal commun : celui de renverser la société capitaliste par la révolution populaire. Pourquoi ? Car, aujourd’hui, ce sont les grandes entreprises – et leurs grands patrons – « qui prospère[nt] sur les malheurs, sur l’appauvrissement de l’écrasante majorité ».

Pour les travailleurs, une seule solution : le communisme 

Selon les deux candidats, ce renversement ne peut se faire que par le musellement du patronat, ce qui passe – notamment – par des nationalisations massives des banques et des secteurs clés de l’économie.

Et ce sont les travailleurs qui seront mis au premier plan. Cela commence par des mesures économiques : Nathalie Arthaud et Philippe Poutou promettent tous les deux une augmentation massive du SMIC – 2 000 euros net pour la première, 1 800 euros net pour le second. Une augmentation financée par un prélèvement sur les grands profits. Tous deux prévoient également d’interdire les licenciements, notamment en « réquisitionnant » les sociétés qui détruisent des emplois, de maintenir la retraite à 60 ans et de réduire le temps de travail – bien que Nathalie Arthaud aille beaucoup plus loin sur ce point, avec une semaine de 15 heures, contre 28 heures pour Philippe Poutou. Tous deux s’accordent également sur la fin des opérations militaires à l’étranger, la démilitarisation du pays et l’accueil de tous les réfugiés sans condition. 

Philippe Poutou et Nathalie Arthaud lors d’une manifestation à Paris, le 29 mars 2017 © Sipa/Sevgi

Nathalie Arthaud, au coeur du communisme – mais pas Philippe Poutou ?

Mais la véritable division entre ces deux candidats de la gauche révolutionnaire, c’est l’application qu’ils font de l’héritage trotskiste. Nathalie Arthaud reproche à Nouveau Parti Anticapitaliste de trop « se disperser », de « noyer la lutte des classes dans d’autres combats ». Alors que la première considère que l’avènement du communisme est l’unique solution à chacun des problèmes soulevés par la société capitaliste, Philippe Poutou se revendique davantage de la stratégie de « l’entrisme », selon laquelle « des organisations trotskistes se constituent dans le but d’infiltrer d’autres partis ou organisations pour y faire progresser les idées trotskistes, voire en prendre le contrôle ».

Cette différence est particulièrement sensible lorsque l’on s’intéresse à la cible de ces deux partis. Si Lutte ouvrière ne se concentre que sur les « la condition ouvrière, sur le combat des travailleurs, des chômeurs, des exploités », Philippe Poutou « fait une campagne plus diverse », citant dans ses « principes fondateurs » d’autres objets de lutte, à l’instar de « l’écologie, le féminisme, les luttes LGBTI, l’antiracisme, l’antifascisme ». On retrouve dans son programme – en vrac – l’allongement du délai d’avortement, le désarmement de la police, la légalisation du cannabis ou encore l’égalité des salaires hommes-femmes.

Pourtant, Nathalie Arthaud ne voit pas en cette double candidature de la gauche révolutionnaire une division des luttes. Bien au contraire. La candidate y voit plutôt l’opportunité de parler deux fois plus de la lutte qu’ils portent, et deux fois plus de temps pour faire entendre la voix des travailleurs. Car finalement, « plus on est de révolutionnaires, mieux c’est. »

Morgane Jean