Erasmus : rendre l’Europe concrète pour de nombreux étudiants

Dès la création de l’association à son rayonnement européen, le programme Erasmus séduit plusieurs milliers de jeunes chaque année. Avec un budget de 26,2 milliards d’euros sur 6 ans (2021-2027), l’objectif est de faire découvrir l’Europe aux étudiants via le cursus scolaire. Mais comment ce projet a-t-il pu se développer et quel est son fonctionnement aujourd’hui ?

En 2021, ce sont 34 pays officiels qui font partie du programme Erasmus. On compte également la Suisse, qui depuis 2014 n’est plus pleinement associée au programme et a le statut de pays partenaire. Cependant, de plus en plus de pays non-membres de l’union européenne font partie du nouveau programme : Erasmus + créé en 2014.

Au début des années 70, l’éducation est un sujet que les pays européens souhaitent aborder et développer. En février 1976, un programme d’action définit les priorités et les étapes d’une coopération autour de cet enjeu. L’objectif central est alors de parvenir à une meilleure connaissance des systèmes éducatifs en Europe et de renforcer les relations entre les institutions, mais également les enseignants et les étudiants. Un projet initialement porté par une étudiante qui était partie étudier à l’étranger. Suite à son idée de création d’une association qui permettrait aux étudiants européens d’étudier ailleurs, l’association L’AEGEE (Association des états généraux des étudiants de l’Europe) est fondée en 1985 à Paris. Elle va être porteuse du programme ERASMUS que l’on connait aujourd’hui et soutenue jadis par François Mitterrand, ancien président de la République, chef de file de la gauche républicaine. De plus, l’arrivée de Jacques Delors à la tête de la Commission européenne en 1985 marque de nouvelles ambitions et une nouvelle phase politique dans le développement de la coopération dans l’enseignement supérieur. Adoptée deux ans plus tard, le projet sera financé à hauteur de 85 millions d’ECU et permettra à 3 millions d’étudiants de partir dans 11 pays différents1 de l’Union Européenne. Dix ans plus tard, le programme est ouvert aux apprentis et également aux stagiaires, scolaires, demandeurs d’emploi, mais aussi aux enseignants ou formateurs grâce à Erasmus.

Un programme au format d’une Europe ouverte au monde

Activités, découvertes, mixité et partage, les mots d’ordre du programme Erasmus font rêver beaucoup d’étudiants. Mais l’objectif principal est aussi d’acquérir des compétences en lien avec la formation à l’université de l’élève. Sur la période 2014/2020, l’Espagne est le pays qui a accueilli le plus d’étudiants français partis en Erasmus. Proximité géographique, proximité dans le langage et la culture, ce pays a toujours attiré les populations européennes dans l’histoire. Tout comme l’Allemagne, L’Irlande et L’Italie. Les points que veut développer le projet Erasmus + sont avant tout de permettre aux étudiants de découvrir un autre pays, mais également de renforcer leur appartenance à l’Union Européenne, leur curiosité et leur sentiment d’intégration. Car en effet, les jeunes peinent à reconnaître ce que l’Europe leur a apporté, et les Français ne font pas exception. Selon un sondage IFOP en 2019 pour le réseau national d’acteurs et d’élus enfance jeunesse et les Jeunes Européens France, publié le 9 mai, l’abstention des 18-25 ans pour les élections européennes aurait été estimé à 77 %.

La volonté de créer un Erasmus populaire

Financer un départ demande de la préparation. Quel que soit la destination, le programme prévoit un encadrement pour les jeunes, sans trop de contrainte. Fidèle au fonctionnement de l’Union Européenne qui souhaite intégrer tout en conservant une certaine souveraineté, Erasmus+ est le reflet de l’Europe que l’on connait aujourd’hui : entre élargissement et approfondissement. Depuis 8 ans, Erasmus + regroupe l’ensemble des anciens programmes européens dédiés à l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport (dont Erasmus, Leonardo, Grundtvig, Comenius, SVE…). La volonté première de ce nouveau programme était de créer un “projet populaire”. S’il touche des effectifs encore limités, le programme Erasmus + compte parmi ses bénéficiaires étudiants 39 % de boursiers sur critères sociaux en 2018.

Concernant le profil universitaire, ce ne sont plus seulement les étudiants de facultés ou de grandes écoles qui partent. Même si les élèves de DUT et BTS ne représentent que 3% des départs en échanges Erasmus, ils sont 23% à profiter de cette mobilité pour un stage. Pour ce qui est de la « mobilité d’études » (jusqu’à deux semestres possibles) elle est plutôt réalisée pour d’étudiants en licence (54,5 % du total), majoritairement en études liées à l’administration, au commerce et au droit, alors que ce sont les étudiants de master (52 %) qui sont le plus représentés dans les « mobilités de stage ». Une enquête Erasmus + souligne aussi que les étudiants, apprentis et stagiaires partis à l’étranger se sentent « davantage européens » après leur mobilité, et constatent des changements dans leurs « aptitudes citoyennes ». Un pari tenu, puisqu’environ 70 % des jeunes interrogés se disent également plus intéressés par « ce qui se passe dans le monde » et par « les sujets en rapport avec l’Europe ».

Des perspectives mondiales

Mais l’Europe ne s’arrête pas aux 27 pays membres, et le programme Erasmus destiné en premier lieu aux étudiants européens non plus. En effet bien que les 27 pays depuis le Brexit puissent accueillir les élèves étrangers dans leurs écoles, d’autres pays non-membres de l’Union Européenne bien que certains en ont fait la demande, sont “simplement” partenaires du programme. On retrouve la Macédoine du Nord, la Serbie, l’Islande, Liechtenstein, la Norvège et la Turquie. D’autres territoires comme les pays du sud de la méditerranée, d’Asie centrale ou d’Amérique latine peuvent également être partenaires sous conditions.

Les programme Erasmus+ finance aussi des projets de développement de l’enseignement supérieur sur d’autres continents. C’est le cas au Cameroun par exemple. Une formation composée d’ingénieurs souhaite faire développer le cursus universitaire proposé dans les villes de Yaoundé et Douala. Mais l’économie, la politique et la culture dans ce pays d’Afrique sont bien différentes de la Belgique. C’est pourquoi l’objectif est d’adapter une nouvelle filière aux enjeux locaux, afin de favoriser le traitement des ressources sur place. Les enjeux y sont diplomatiques mais montrent également la volonté des nouvelles générations de freiner un modèle de “capitalisation de l’éducation”, le remplacer par le partage des ressources et apprendre à évoluer avec son environnement. C’est pourquoi le programme Erasmus+ peut être un puissant outil d’influence politique et économique en Afrique par exemple alors que les Etats-Unis et la Chine y défendent de plus en plus leurs intérêts économiques depuis des décennies. Le sentiment d’appartenance à l’Europe se fait de plus en plus fort chez les jeunes grâce à la création d’un programme qui les concerne et qui montre une partie de l’Europe encore trop peu connue mais qui se développe, celle de l’échange via l’apprentissage.

Clémentine Marié