« Je dois aider les réfugiés ukrainiens avec mes faibles moyens » : direction la Pologne avec un héros du quotidien 

Trois jeunes auvergnats ont organisé une collecte de dons humanitaires à destination des réfugiés ukrainiens. Avec bravoure, ils ont livré eux-mêmes leurs marchandises dans des hôtels polonais accueillant les exilés. Embarquement dans une aventure humaine riche en émotions, avec en toile de fond, la guerre et ses injustices. 

Cusset, dans l’Allier, le 10 mars dernier, il est 18h30. La camionnette blanche déborde de jeux, de produits hygiéniques et de denrées alimentaires. Maxime et ses deux amis, Laetitia et Pierre, s’apprêtent à prendre la route. Direction Ladek-Zdroj, en Pologne. « Depuis le début du conflit, je ne peux pas rester sans agir. Je dois aider les réfugiés ukrainiens avec mes faibles moyens », confie Maxime. Coup d’envoi d’une aventure riche en rencontres humaines. En temps de guerre…

Démission, dons et action ! 

1326 kilomètres séparent la ville auvergnate de l’objectif polonais. Les kilomètres défilent et les trois amis s’arrêtent seulement pour fumer quelques cigarettes. « On veut arriver le plus vite possible, nous avons seulement quatre jours pour aider un maximum de réfugiés », se motive Maxime. Le lendemain matin, le convoi d’amis s’octroie une longue pause déjeuner à Prague, douce capitale de la République tchèque. L’occasion d’affiner leur plan d’attaque : « On file directement dans les hôtels accueillant les réfugiés, on propose notre aide, on livre nos fournitures et on dormira lorsque l’on rentrera en France », expose Maxime. Le plan est rodé. À 15 heures, les trois amis entrent dans la ville polonaise. Non loin, de l’autre côté de la frontière, les bombardements et l’exode de la population s’intensifient en Ukraine. 

Maxime, du haut de ses 26 ans, a planifié lui-même cette action humanitaire. « J’étais sous contrat de l’Éducation nationale en tant que surveillant. Jeudi, juste avant de partir, j’ai démissionné », explique le jeune homme. Lorsqu’il était encore en fonction, le surveillant avait organisé une collecte au sein du collège afin de récolter du matériel scolaire à destination des enfants ukrainiens. « Puis j’ai démarché pas mal de structures sur la région vichyssoise qui m’ont fait des dons matériels », ajoute-t-il avec simplicité. Feutres, cahiers, stylos, papier toilette, serviettes hygiéniques, body, couches, biberons, pyjama pour bébé, compote, shampoing, gel douche… La camionnette a des airs de caverne d’ali baba et rayonne par la diversité et l’utilité de ses dons. 

Le calme à toute épreuve 

Ladek-Zdroj. Les amis sont frappés par la solidarité instaurée dans la ville et le nombre de bénévoles dévoués. « Au déchargement du camion, il y avait des mamans polonaises, des membres de la mairie, des ados, le maire, le garde forestier… Tous étaient présents pour nous aider à distribuer nos produits de première nécessité », observe Maxime. Dans plusieurs hôtels, les réfugiés ukrainiens s’organisent une nouvelle communauté de survie. « Il y a 95% de femmes et d’enfants. Aucun homme si ce n’est quelques grands-pères ou jeunes ados », constate le Français qui peine à dialoguer avec les familles à cause de la barrière de la langue. 

Traduire l’ukrainien en polonais puis le polonais en anglais et vice versa… « On s’en est sorti, en parlant avec les mains… Mais beaucoup demeuraient silencieux, traumatisés », se désole Maxime. Car le calme règne au sein de l’hôtel malgré les nombreux enfants en bas âge. La plupart des réfugiés n’osent pas venir se servir dans les dons… Craintifs, peut-être un peu honteux d’être soudainement dans le besoin, ils prennent les habits, les jouets un par un, en pensant toujours à en laisser pour leur prochain. Maxime admire : « Ils sont ultra-respectueux, ils ne cherchent pas à en prendre trop, ils prennent seulement ce dont ils ont besoin »

« Faire passer l’horreur pour un jeu »

Le groupe d’amis propose de ramener une famille de réfugiés en France. En amont, ils se sont organisés pour leur trouver un logement, mais aussi leur assurer un confort de vie, avec la mise à disposition de vêtements, de nourriture, et une prise en charge pour les papiers. « Ils ont refusé. Car pour eux, la France demeure trop loin des leurs, et ils gardent énormément d’espoir en disant que Poutine va être tué, ou va abandonner. Ils sont persuadés de rentrer bientôt chez eux », raconte Maxime, attendri face aux mères qui ne cessent de rassurer leurs jeunes enfants. « Elles leur disent qu’ils sont ici pour les vacances. Elles essaient de sourire, de faire passer l’horreur pour un jeu », s’émeut le bénévole. Quatre jours plus tard, les Français repartent donc seuls avec une idée en tête omniprésente « revenir le plus rapidement possible »

« Quand on est reparti, il y avait énormément de véhicules blindés de l’armée à la frontière entre la Pologne et la République tchèque, c’est à ce moment-là que tu réalises que la guerre est si proche », constate amèrement Maxime. Il est fier d’avoir mené cette première opération humanitaire à son terme, même si le jeune homme est émotionnellement chamboulé après cette intense aventure humaine : « On a vu tellement d’enfants… Quel sera leur avenir ? La suite risque d’être si difficile pour eux, victimes d’une guerre qu’ils n’ont pas demandée. À mon échelle, je me dois de continuer d’aider ces réfugiés. » Espoir et solidarité, ad vitam aeternam. 

Marie Chéreau