Montée des populismes, défiance et euroscepticisme, le peuple européen et certains de ses dirigeants semblent douter de plus en plus de cette union et de ses valeurs. Encore aujourd’hui, entre le Brexit en 2016 ou la gestion de la crise sanitaire depuis 2020, l’Union fait face à de nombreux défis. Décryptage.
Est-il possible encore aujourd’hui de croire en l’Union européenne (UE) ? Crises sanitaire, économique, climatique, identitaire et migratoire, la liste des problèmes de l’Union européenne semble ne jamais finir. Avec cette montée de la défiance, les mouvements populistes se nourrissent et se gavent de la peur et de l’inimité des peuples pour finir par fragiliser ces pays où la stabilité ne tient qu’à un fil.
La Ligue du Nord en Italie, le Fidesz en Hongrie, Vox en Espagne, le Rassemblement national (RN) en France… Presque aucun pays européen n’échappe à la vague d’euroscepticisme, indissociable du populisme. Souveraineté nationale, protectionnisme, lutte des peuples contre les élites, défense de ses propres valeurs, voilà tout ce que prônent ces mouvements identitaires dont la définition précise reste plurielle et encore difficile à cerner.
Le retour du populisme
Même si ces sentiments de défiance se sont surtout développés à partir de la crise économique de 2008, les populismes ne datent pas d’aujourd’hui. Le terme est aujourd’hui utilisé de manière négative pour désigner à la
fois une droite conservatrice, un certain autoritarisme et paradoxalement, un dénigrement des élites. Pourtant
à l’origine, ce populisme prônant la défense du peuple, s’est pendant longtemps référé à la gauche. Encore
aujourd’hui, il existe des partis populistes de gauche comme SYRIZA, en Grèce, et Podemos, en Espagne.
En France, les fondements du populisme remontent au boulangisme, mouvement ouvrier et de la petite
bourgeoisie avec une vision politique « à la fois essentiellement nationaliste et plus plébiscitaire que
démocratique », indique Philippe Raynaud, professeur de science politique à l’université Panthéon-Assas,
dans Questions internationales. Aujourd’hui, même si le mouvement oscille entre la droite et la gauche
dans l’UE – d’où le nom « les populismes » –, on désigne essentiellement l’extrême droite.

La Hongrie, le mouton noir de l’Union
Ce dilemme européen vis-à-vis des pays qui transgressent les valeurs européennes se remarque énormément
dans certains pays d’Europe de l’Est. La Hongrie en est l’exemple parfait, dont l’adhésion a été de nombreuses fois discutée et remise en cause. En septembre 2018, une procédure de sanctions européennes a en effet été déclenchée à l’encontre de la Hongrie de Viktor Orbán, son premier ministre. Corruption, question des migrants et des réfugiés ou liberté d’expression, les sujets qui sont reprochés à la Hongrie sont nombreux.
En 2015 par exemple, la Hongrie a mis en place un mur de barbelés anti-migrants de 170km à la frontière avec la Serbie pour empêcher les réfugiés et migrants Syriens, Pakistanais, Afghans… de rejoindre l’Europe par les Balkans. Miradors équipés de projecteurs, caméras thermiques, détecteurs de mouvements et bien sûr, patrouilles constantes, la Hongrie fait tout pour bloquer l’arrivée de ces demandeurs d’asile.
Des zones de transit les enfermant à la frontière ont aussi été créées, ce qui a alors fait réagir la cour de justice de l’UE qui a condamné le pays pour violation du droit d’asile, contraire au droit européen. Ces camps ont donc dû être fermés. La seule marge de manœuvre de l’UE pour punir ces États est à travers l’économie. Elle peut mettre une amende ou bien bloquer les fonds européens de ces pays récalcitrants. Même chose en 2020. L’état d’urgence sanitaire est prolongé jusqu’en juin ce qui permet à Viktor Orbán de prendre des décisions par décret et contourner le pouvoir du parlement hongrois.

Manque de représentations
L’un des problèmes qui fait que cet euroscepticisme s’est installé est l’ignorance. Quel citoyen lambda, notamment en France, peut se targuer de connaître par cœur le fonctionnement européen ? L’historique de la construction européenne ? Le rôle exact que joue l’Union pour la France ? Très peu en réalité. Selon une enquête Viavoice de 2020, 55% des Français se sentent mal informés sur l’actualité européenne. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’ils s’en désintéressent et la balayent d’un revers de la main. C’est aussi cette ignorance qui nourrit la peur de l’Europe et de l’autre. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé avec la crise économique de 2008 qui à cause de sa mauvaise gestion par l’UE a laissé la porte ouverte aux populistes. Elle a alimenté ce sentiment d’injustice et cette remise en question de l’Union.
La couverture médiatique n’aide sûrement pas. Dans son rapport, Michel Herbillon, député du Val-de-Marne, analyse ce déficit d’information en France, dû à plusieurs facteurs : « pour les élus, « l’Europe ne fait pas l’élection », pour les médias, « l’Europe ne fait pas vendre », et pour les enseignants, « l’école n’a pas à faire la propagande de l’Europe ». » L’Europe, c’est loin, l’Europe, ça ne concerne pas, l’Europe, on n’y comprend rien. D’où ce besoin de se tourner vers ceux qui semblent réagir à ce déficit : les populistes.

Quel avenir alors ?
Les populismes vont-ils donc s’installer durablement ? Ces populistes ont-ils raison de dire que l’Europe ne sert plus à rien et n’a plus aucune valeur ? N’y a-t-il donc plus d’espoir pour cette Europe unie ? Les réponses ne sont pas si pessimistes. Même si la crise sanitaire a fortement impacté le monde – et donc l’Union européenne, on a remarqué que la distribution des vaccins ou les plans de relance mis en place par cette union ont fait bonne figure auprès du public. « On annonçait une vague populiste partout, mais ses effets sont en fait limités : la poussée n’a pas été aussi forte qu’attendu, et il y a eu une difficulté pour ces forces populistes de parler d’une seule voix », nuance Olivier Duard, historien et co-auteur du Dictionnaire des populismes, interrogé par France Culture.
On le voit d’ailleurs avec ce qu’il se passe dans le groupe de Visegrád qui se fissure et tombe un à un tels des dominos. En Slovaquie, la centriste et pro-européenne Zuzana Čaputová a été élue présidente en 2019, succédant à Andrej Kiska. En République Tchèque, Petr Fiala, libéral, bat le populiste Andrej Babis aux élections législatives en octobre 2021. La Hongrie suivra peut-être en avril 2022 avec ses propres élections législatives qui opposera notamment Viktor Orbán, au pouvoir depuis 2010, à Péter Márki-Zay, conservateur pro-européen, membre de l’opposition. Comme l’écrit Marc Lazar, directeur du Centre d’histoire de Sciences Po et président de la School of government de l’Université Luiss de Rome : « S’il ne faut donc pas surestimer ni sous-estimer les populistes, il s’agit de prendre la mesure de ce qu’ils expriment des mutations de nos démocraties ». L’Union européenne a encore beaucoup de boulot.
Margaux Chauvineau
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