Police et fumeurs de cannabis : l’amende forfaitaire délictuelle change la donne

Depuis le 1er septembre, l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) a été généralisée sur l’ensemble du territoire français. Cette amende de 200€ vise principalement les usagers de cannabis. Selon un communiqué de la police nationale, l’objectif est d’alléger la charge de travail des forces de sécurité. Alors que le gouvernement cherche à punir les consommateurs, le cannabis, jusque-là considéré comme un stupéfiant dangereux, bénéficie ces derniers temps d’une image positive. Début 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs recommandé la déclassification du cannabis comme substance nocive sans intérêt thérapeutique.  

Samuel, étudiant de Master en alternance, consommateur régulier de cannabis et un enquêteur de la Brigade des stupéfiants de Lille ont accepté de répondre à nos questions. 

Samuel, 24 ans

Pourquoi fumez-vous du cannabis ? 

Quand j’ai commencé, c’était pour découvrir de nouvelles sensations. Aujourd’hui, je fume à la fin de mes journées, pour ne plus penser à rien, me mettre dans du coton, profiter du moment présent. Je fume à peu près un joint par jour. 

Que va changer l’AFD pour vous ? 

A mon niveau, ça ne va pas changer grand-chose. Avant quand je me faisais arrêter, on prenait ma beuh et on me relâchait. Maintenant, ça sera 200€ d’amende en plus, mais je fais partie d’une catégorie de la population qu’on contrôle moins.  

Samuel fume un joint de cannabis après sa journée de travail. Crédit : Arthur Marotine

Vous ne voyez pas cette loi comme un progrès ? 

Je trouve que ce n’est pas une bonne idée de faire la chasse au consommateur. Il faut plutôt mettre en place de la prévention, au lieu de réprimer pour endiguer la consommation, alors qu’au final, ça ne changera strictement rien.  Si on regarde bien, il n’y a que les pays qui dépénalisent, avec accompagnement des usagers, qui ont eu des résultats bénéfiques sur la population. La répression ça n’empêche pas les gens de consommer. 

Enquêteur de la brigade des stupéfiants de Lille

L’AFD, ça change quoi dans votre quotidien professionnel ? 

Avant, quand on contrôlait dans les quartiers, si le fumeur avait un joint ou un gramme, on ne le ramenait pas au poste. Sinon, c’était impossible, on aurait fini avec 300 personnes en garde à vue. Maintenant, au lieu d’emmener les consommateurs en garde à vue, on peut les verbaliser sur place. Ça évite une procédure judiciaire. 

L’amende forfaitaire est-elle faite pour alléger le travail des forces de l’ordre, comme précisé dans un communiqué de la Police nationale ? 

En fait, elle est plutôt faite pour tuer le trafic. Le vendeur, on l’emmène toujours en garde à vue. Mais le consommateur, au lieu de le laisser repartir, comme avant [l’AFD], on peut le verbaliser sur place. C’est un moyen de plus pour réprimer les consommateurs, mais après, on ne pourra jamais tuer le trafic. Ça brasse tellement d’argent, il y aura toujours une économie souterraine, toujours du trafic de stup’. 

Arthur Marotine