Crédit : Victoire De Meulenaere

Une journée dans la peau d’un maître chien guide d’aveugle

A l’occasion de ses Journées Portes Ouvertes, le 30 septembre dernier, le centre Paul Corteville de Roncq a accueilli bon nombre de curieux dans son école d’éducation canine. L’objectif était d’éclairer les visiteurs sur le métier de maître-chien guide d’aveugle. 

   Les chiens guide d’aveugles sont aujourd’hui indispensables à la bonne intégration des non et mal-voyants dans notre environnement quotidien. Leur mission première est de faciliter l’autonomie et les déplacements de ceux-ci. Initialement ouverte en 1972, à Wasquehal, l’école Paul Corteville est la première de France dans son domaine. Son fondateur a remis à son ami Rémi Blin, non-voyant, le premier chien guide et a ensuite développé le centre. Association reconnue d’Utilité Publique, le centre est aujourd’hui entièrement financé par des dons et des legs. Pourtant, la formation, l’éducation, les soins et la nourriture coûtent 15 000 € par chien !

Une vie de chien

   A l’âge de deux mois, les futurs chiens guides sont sélectionnés selon leur parenté et leur race, à l’élevage national de chiens guides, situé à côté de Clermont-Ferrand. C’est pourquoi, on retrouve régulièrement les mêmes races chez les chiens guides : labrador, golden retriever, berger allemand ou caniche royal. Jérôme Demangeot, éducateur du centre, explique que ces races correspondent en tous points aux caractéristiques recherchées pour le métier. Les chiens doivent avoir « un comportement adapté, être sociable et correspondre physiquement aux critères : avoir une taille raisonnable, être facile à l’entretien et ne pas avoir de problème physiologique ». Le chien doit avoir une bonne image sociale vis à vis du public. Ce n’est qu’au bout d’un an que le chien rentre au centre pour se former à son métier, aux côtés d’un éducateur comme Jérôme, après être passé par une famille d’accueil. A chaque chien son éducateur : ainsi commence l’apprentissage.

Jérôme Demangeot, Educateur au centre Paul Corteville
Jérôme Demangeot, Educateur au centre Paul Corteville © Victoire De Meulenaere

« Donner les bases au chien »

   Entre deux mois et un an, les chiens sont placés en famille d’accueil pour devenir un bon chien de compagnie et se sociabiliser à la vie quotidienne, de façon permanente, en week-end ou occasionnellement. L’objectif est de « donner les bases aux chiens »,  comme le souligne Brigitte, propriétaire d’Onsa. C’est à la suite d’une initiation comme celle à laquelle nous avons assisté qu’elle est devenue bénévole. Cette éducation repose sur beaucoup de « ne pas », afin d’intégrer les règles de base de l’éducation d’un chien (ne pas grimper sur le canapé, ne pas uriner chez le voisin, ne pas sauter dans les lieux publics ou sur les gens…). Elle insiste également sur l’aspect social que la famille apporte au chien pour l’habituer au contact humain : « On joue avec le chien, on câline le chien, on l’emmène partout », détaille-t-elle. Un texte de loi stipule d’ailleurs que les chiens guides n’ont, en aucun cas, le droit d’être refusés dans les lieux publics.

Onsa
Onsa, futur chien guide, en formation chez Brigitte © Victoire De Meulenaere

   Au bout de deux ans, le chien est remis à son maître déficient visuel. Une étape cruciale pour les encadrants, qui doivent gérer l’adaptation entre les deux protagonistes. Une « sélection »  entre non-voyant et chien est alors organisée avant. Le déficient visuel effectue un stage au centre, afin que les éducateurs comprennent l’environnement et le caractère du déficient. Ils partent ensuite à la recherche du chien idéal pour l’accompagner au mieux dans sa vie quotidienne. Plusieurs essais sont effectués avec différents chiens : explication des techniques d’accompagnement, prise de contact, sorties et communication avec le chien. La dernière étape consiste à habituer le chien dans l’environnement et le domicile du non ou mal-voyant.

Démonstration d'éducation canine au centre Paul Corteville
Démonstration d’éducation canine au centre Paul Corteville © Victoire De Meulenaere

« Le chien ne peut rendre qu’heureux un déficient visuel »

   Après l’adoption, le déficient est toujours suivi par les éducateurs. Un contact est établi de façon régulière entre la famille d’accueil, le déficient et le centre, « à chacun d’y mettre du sien pour rentre possible une relation » affirme Brigitte.  Malgré l’attachement aux fidèles compagnons, elle rappelle qu’il est nécessaire de rester détaché : on ne va pas garder le toutou indéfiniment. Dans la plupart des cas, entre 8 et 10 ans, le chien retraité est adopté par son mal-voyant. C’est avant tout une forme de bénévolat, à laquelle il faut consacrer du temps et de la patience. Comme Brigitte, près de 160 bénévoles aident le centre Paul Corteville et participent aux actions de sensibilisation, informent et soutiennent la cause et l’importance des chiens guides dans l’intégration et l’accompagnement des déficients visuels.

Victoire De Meulenaere