Pourquoi regarde-t-on (encore) la télé-réalité ?

Apparue en 1973 aux États-Unis, la télé-réalité fait aujourd’hui partie intégrante de notre paysage télévisuel. Comment a-t-elle réussi à convaincre jusque de l’autre côté de l’Atlantique pour enfin se propager partout dans le monde ?


Nabilla Benattiaer dans l’émission « Les Anges de la télé-réalité» sur NRJ 12

« An American Life », la première émission de télé-réalité, fait son apparition sur la chaîne américaine PBS en 1973. Le concept séduit immédiatement et se répand très rapidement, dès l’année suivante. D’abord en Angleterre avec « The Family » puis en Australie avec « Sylvania Waters », ce nouveau genre d’émission dépasse les frontières américaines.

Il était une fois… la télé-réalité

En France, c’est par le biais de la chaîne musicale américaine MTV, qui est diffusée sur le câble et le satellite, que la télé-réalité émerge. L’émission se nomme « The Real World » et met en scène sept jeunes enfermés pendant trois mois dans un appartement.

Ce sont les Pays-Bas, avec l’émission « Big Brother », qui vont donner un rôle aux téléspectateurs pour la première fois. En 1999, ce nouveau programme reprend le concept de « The Real World », tout en permettant au public de voter pour leur candidat favori par téléphone ou grâce à un simple SMS. Le programme rapporte beaucoup d’argent à la chaîne Veronica, ce qui n’échappe pas aux chaînes du monde entier. « Big Brother » est alors exporté à travers le monde.

Ce n’est qu’en 2001, avec « Loft Story », que la France commence à produire ses propres émissions de télé- réalité. Le programme reprend le concept de « Big Brother ». Il est produit par Endemol et diffusé sur M6. Là encore, le succès est au rendez-vous puisque la première émission attire plus de 5,5 millions de téléspectateurs, soit 26% de part du marché. C’est un record d’audience pour la chaîne. Au fil des semaines, « Loft Story » ne cesse d’attirer d’autres spectateurs. En plus des émissions quotidiennes, un Prime Time est également diffusé tous les jeudis soir. Ce dernier enregistrera jusqu’à 11 millions de téléspectateurs. De nouveaux concepts vont rapidement voir le jour, notamment avec « Koh Lanta » et la « Star Academy ». Alors que dans la première, des hommes et des femmes doivent survivre sur une île déserte, la seconde propose d’enfermer dix participants dans un château où ils doivent suivre des cours de danse et de chant dans le but de devenir chanteur.

Plaisir coupable

Ainsi « Loft Story » est devenu un véritable phénomène de société. Sorte de mise en scène du réel, ce genre télévisuel a envahi les écrans. Mais pourquoi aime-t-on regarder la télé-réalité ?

Diffusées aux heures stratégiques de la journée, ces émissions ont le don de faire lâcher prise. Après une grosse journée de boulot, c’est un peu votre plaisir coupable ? C’est normal. Concept simple, divertissant et captivant… On en veux toujours plus ! Mais à vrai dire, tout est calculé.

La télé-réalité est bien faite. Son premier objectif : permettre aux téléspectateurs de s’identifier. En dehors des émissions de concours, la production propose donc un panel varié de caractères afin que chacun puisse se retrouver dans un personnage. Plus ou moins stéréotypé, certes. Ce qui attire ensuite, c’est d’entrer dans la vie des autres, dans leur intimité. Petits ragots, aventures, formations de couple… Tout cela attise la curiosité. On veut tous savoir la suite.

Et puis comme on peut participer, on a nous aussi un rôle à jouer. Notre voix compte. Puis enfin, c’est les critiques qui volent ! Chacun aime se moquer d’un tel ou d’un autre, ça fait du bien parfois. Alors oui, même si certains trouvent que ces émissions ne « volent » pas très haut… ça fait tout de même du bien de se détendre un peu parfois.

L’envers du décor

Pourtant, la télé-réalité n’échappe pas, depuis sa création, aux critiques et aux polémiques. Si certains n’y voient qu’une forme de voyeurisme, d’autres dénoncent son sexisme. En 2020 d’ailleurs, dans la deuxième édition de son état des lieux du sexisme en France, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) fustige le sexisme omniprésent dans les programmes de divertissement français, et en particulier dans les émissions de télé-réalité. « Des corps hypersexualisés, une vision caricaturale des femmes, des insultes sexistes à foison, des candidates encouragées à se dénigrer entre elles… » peut-on lire dans l’article « La télé-réalité est une grande pourvoyeuse de sexisme » dans Libération. À lire pour ceux que ça intéresse.

Et ce qui dérange aussi beaucoup, ce sont les usages de la télé-réalité chez les adolescents. Car oui, chez les jeunes, ça marche bien. « Nan, mais allô quoi ! T’es une fille, t’as pas de shampoing ? ». Si Nabilla a fait le tour du monde avec cette phrase, d’autres n’y voient qu’un manque de culture. Bon nombre de parents s’inquiètent des effets pervers de ces émissions sur leurs ados en pleine puberté. Serait-ce un danger pour leur éducation ?

En bref, on adore ou on déteste. En tout cas, voilà 20 ans que « Loft Story » est né et la télé-réalité n’a toujours pas atteint ses limites. Fin novembre 2020, « Les Marseillais VS le reste du Monde » a dépassé le million de téléspectateurs, un nouveau record. « Nan, mais allô quoi ! ».

Cidjy Pierre et Mathilda Calais